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Brèves / 09.12.2016

Herb Hardesty, 1925-2016

Le saxophone d'Herbert Hardesty est indissociable du rhythm and blues de La Nouvelle-Orléans, et pas uniquement parce qu'il a accompagné Fats Domino dans tous ses titres de gloire. C'est pourtant à la trompette que s'est d'abord essayé ce Néo-Orléanais, né le 3 mars 1925. Âgé de 6 ans, il s'exerce sur un instrument ayant appartenu à Louis Armstrong, donné par son beau-père ! En 1939, il joue du jazz dans divers groupes locaux, mais Uncle Sam “wants him for U.S. Army” et il est enrôlé en 1941. Comme l'orchestre du régiment a besoin d'un saxophoniste, il apprend à en jouer en quelques jours. Démobilisé, il retourne à New Orleans où il rencontre le trompettiste-chef d'orchestre Dave Bartholomew. Ce dernier l'embauche bientôt pour participer aux séances qu'il produit dans le studio de Cosimo Matassa. Ce sera d'abord avec Chubby Newsome en janvier 49, puis Jewel King, Tommy Ridgley et, en décembre, avec un jeune pianiste rondouillard qui interprète The fat man. La carrière de Fats Domino est lancée et se poursuivra, parsemée de hits, tout au long des années 1950-60. Herb Hardesty participe pleinement à cette aventure, faisant partie de l'orchestre de tournée de Domino, tout en demeurant un pilier du studio de Matassa. Impossible de lister ici tous les artistes qu'il a pu accompagner – citons sommairement Lloyd Price, Little Richard, Smiley Lewis, Shirley & Lee, Roy Brown… En studio comme avec Domino, il retrouve tous ces musiciens qui ont élaboré le R&B louisianais : les saxophonistes Lee Allen et Alvin “Red” Tyler, les guitaristes Ernest McLean ou Roy Montrell, les batteurs Earl Palmer et Cornelius Coleman…

 


New Orleans, 2003 © Alain Jacquet

 

 

En 1958, on propose Herb Hardesty d'enregistrer un album pour Wing, une sous-marque de Mercury, malheureusement il demeurera inédit jusqu'en 2012 (déterré par Ace sur “The Domino Effect”). Il grave ensuite quelques faces qui paraîtront en 45-tours sur Paoli et Federal, avec des membres de l'orchestre de Fats, mais aussi Hank Jones au piano.

À partir de 1973, il s'installe à Las Vegas où il intègre tour à tour les orchestres de Duke Ellington, comme trompettiste, et de Count Basie, comme saxophoniste, accompagnant au passage Frank Sinatra, Ella Fitzgerald et Tony Bennett. Cet exil dans le Nevada ne l'empêche pas de retrouver chaque fois que nécessaire Fats Domino dont l'activité se réduit au fil des ans. En 1978, il joue sur l'album “Blue Valentine” de Tom Waits et tourne avec lui durant deux ans. En 1992, c'est Dr. John qui le sollicite pour son album “Goin' Back To New Orleans” puis pour l'accompagner en tournée, généralement associé à Charlie Miller (tp) et Ronnie Cuber (bs). On le voit aussi avec Allen Toussaint et, à partir de 2006, avec Mitch Woods, apparaissant sur les albums “Big Easy Boogie” et “Gumbo Blues”. C'est d'ailleurs à l'occasion d'un concert de Mitch Woods au jazz club du Méridien à Paris que j'ai pu acheter à Herb Hardesty son CD autoproduit “Just A Little Bit of Everything”, réunissant ses faces de 45-tours Federal et six titres inédits avec le Olaf Polziehn Trio.

 



Efrem Towns, Kevin Harris, ???, Herb Hardesty, Roger Lewis, Dr. John. New Orleans Jazz Fest 2012 © Alain Jacquet

 

 

Malgré son grand âge, Herb Hardesty est resté actif à Las Vegas, jusqu'à ce qu'un cancer du système lymphatique (mantle cell lymphoma) l'emporte le 3 décembre dernier, à l'âge de 91 ans.

Jacques Périn

 


New Orleans, 2012 © Alain Jacquet