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Brèves / 02.02.2017

Butch Trucks, 1947-2017

Bien lugubre début d’année 2017 : au moment même où ce que les États-Unis ont de pire s’empare goulument du pouvoir, un aimable représentant de ce qu’ils ont de meilleur fait le choix de nous quitter. Butch Trucks était l’un des membres historiques de l’Allman Brothers Band, l’un de plus importants ensembles musicaux américains qui, de la fin des années 1960 au milieu des années 2010, aura mêlé blues, soul, jazz, sinuosités psychédéliques et rock sudiste avec un bonheur sans équivalent.

Les solides pulsations de sa batterie se mêlaient à celles de son complice Jai Johanny Jamison dit Jaimoe (venu de chez Otis Redding) en de subtils entrelacs syncopés – ceux-là même qui impulsaient, soutenaient et magnifiaient avec une incroyable musicalité la progression d’autres échanges célestes, joués par les guitares. La symbiose entre les deux batteurs Butch et Jaimoe, au départ née du hasard d’un simple bœuf prolongé sous les auspices de Duane Allman, a donné son plein épanouissement au nouveau son de l’Allman Brothers Band, et reste une référence absolue pour les jam-bands actuels.

Ce natif de Jacksonville en Floride, dont les premiers enregistrements incluent les albums “My First Time Around” de Betty Wright (1968) et “Ton-Ton Macoute” de Johnny Jenkins (1969-1970), a contribué aux nombreux classiques de l’Allman Brothers Band, au firmament desquels “At Fillmore East” (1971) ou “Eat A Peach” (1972), jusqu’aux derniers albums où s’épanouit le talent du propre neveu de Butch, Derek Trucks (“One Way Out”, 2004). Durant les longues périodes de séparation du groupe, Butch Trucks veillait à entretenir la flamme sein d’orchestres qui en retenaient l’esprit, comme ces dernières années le Freight Train Band ou Les Brers.

Ancien étudiant en mathématiques et volontiers amateur de jeux vidéos, Butch Trucks s’était intéressé aux nouvelles technologies en créant Moogis (une plateforme internet aujourd’hui défunte permettant la retransmission en direct de concerts de la scène “jam bands” contemporaine) et en tenant son propre blog, dédié à la musique mais dans lequel il défendait aussi des idéaux progressistes mûris dans l’expérience (“The world according to Butch Trucks”). Butch était aussi un amateur de philosophie et de littérature ; en tournée avec l’Allman Brothers Band, il faisait réserver ses chambres au nom de Stephen Dedalus, un personnage de l’écrivain James Joyce. Enfin, Butch Trucks partageait son temps entre la Floride et la France, où il possédait une maison et où il semblait, après la dernière élection présidentielle américaine, vouloir passer plus de temps.

L’auteur de ces lignes garde le souvenir d’un personnage facétieux et attachant, incarnant à lui tout seul une époque semble-t-il révolue de fraternité, de générosité et de créativité artistique, qui avait accepté de partager quelques souvenirs avec Soul Bag pour un article de fond sur son neveu Derek (Soul Bag 203).

Éric D.

 


Warren Hayes, Bob Weir, Butch Trucks, Derek Trucks, Phil Lesh, Beacon Theatre, New York, 2009
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