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Brèves / 04.11.2013

Bobby Parker rate la dernière marche

 

Ironie quelque peu macabre du sort, ce week-end du 1er novembre aura donc été porteur de deux très mauvaises nouvelles… Après Adophus Bell, nous apprenons en effet que le chanteur, guitariste et compositeur Bobby Parker est mort le 1er novembre 2013 à 76 ans, les circonstances de son décès n’ayant pas été révélées. Né Robert Lee Parker le 31 août 1937 à Lafayette en Louisiane, sa famille s’installe à Los Angeles quand il a 6 ans. Il semble s’intéresser très tôt à la musique, la scène très active de la cité des anges lui permettant d’assister à de nombreux concerts, d’abord de jazz, mais il voit également les meilleurs représentants du blues californien d’alors, en tête desquels T-Bone Walker, Lowell Fulson et autre Pee Wee Crayton. Initié à la guitare dans les années 1950, il fait ses débuts au sein du groupe Otis Williams and the Charms, apparaît derrière Bo Diddley et enregistre sous le nom de Bobby Parks dès 1956 avec cette fois l’orchestre du saxophoniste Paul Williams (Suggie, duggie, boogie baby/Once upon a time, long ago, last night).


Utrecht, Pays-Bas, 2001. © : Dominique Papin

L’année suivante, il sort ses premiers « vrais » singles qui comprennent sa composition You got what it takes, qui sera ensuite créditée au staff de Motown alors que Parker a toujours affirmé en être l’auteur. Une première désillusion pour l’artiste, et pas la dernière… En 1961, il signe sans doute son titre le plus célèbre avec Watch your step, dont on admet aujourd’hui qu’il a grandement inspiré le British Blues Boom des années 1960 et des guitaristes de rock comme Carlos Santana et John Lennon des Beatles. Mais là encore, l’influence de Parker dans ce domaine ne sera jamais réellement reconnue au-delà d’un cercle d’initiés. En outre, Parker, qui s’est entre-temps installé à Washington, ne profite pas des opportunités qui lui sont offertes, notamment en Grande-Bretagne dans les années 1970 quand Jimmy Page lui propose de financer une session. Mais l’enregistrement ne verra jamais le jour et Parker disparaît quasiment de la scène, même s’il continue de se produire autour de Washington et dans le reste de l’Amérique du Nord. Il est difficile d’expliquer comment un artiste au talent et à l’influence indéniables (d’aucuns le citent également comme le « père » du blues rock) n’a pu mener une carrière à sa mesure. Comme tant d’autres, n’a-t-il pas su gérer ses affaires dans un milieu très dur ? Ou bien le personnage n’était-il pas instable et difficile à gérer, n’honorant pas toujours ses rendez-vous ? D’autant qu'il aurait également été complexé et maniaque…


La Nouvelle-Orléans, 1993. : Stéphane Colin

C’est ce qui ressort dans un article publié dans le numéro 133 de Soul Bag (une interview d’Hammond Scott du label Black Top, pour lequel Parker réalisera ses deux seuls albums, voir plus bas) : « Il ne facilite pas les choses, même quand la chance vient à lui, en étant par exemple en retard pour des engagements, comme encore récemment. Je n'en sais rien, mais il paraît que la raison pour laquelle il est en retard est qu'il arrange ses cheveux. Ce que je sais est qu'on n'est pas arrivé à lui mettre un casque écouteur pendant qu'il était ici. Il balade tout un tas d'affaires dans une valise (…). Un truc qu'il en tirait régulièrement dès qu'il arrivait était une paire d’écouteurs du type de ceux qu'on vous donne dans les avions. C'est très bien quand on veut suivre le film pendant un vol, mais ça ne vaut rien : ni graves ni aigus, pas même beaucoup de médiums, c'est comme votre dictaphone (…). » Scott précisera toutefois que les séances se termineront bien tout en lui rendant un hommage touchant : « C'est une sorte de "guitar hero", il a un son unique, c'est un grand chanteur, un bon compositeur et un brave type, un très brave type. Il ne voit pas tout ce qu'il rate quand il marche à coté de ses pompes. » De ses séances sortiront donc « Bent Out Of Shape » en 1993 et « Shine Me Up » en 1995, deux opus très brillants qui entretiennent un peu plus le mythe et le mystère Bobby Parker. Car après cela, malgré quelques tournées, ce fut de nouveau le silence discographique… Un grand merci à Luc Brunot, animateur et producteur radio membre du Collectif des radios blues, et bien sûr fan de Parker, qui a « réexhumé » des éléments qui m’ont permis de compléter ces lignes.
Daniel Léon