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Brèves / 01.07.2016

Bernie Worrell, 1944-2016

La disparition de Bernie Worrell, maître ès claviers au sein de la “p-funk Mob” de George Clinton, survient quelques mois après celle de Keith Emerson, clavier du groupe de rock progressif Emerson, Lake & Palmer. C'est en entendant Emerson triturer les sons du Moog que Worrell a décidé d'intégrer ce clavier dans sa panoplie, offrant à la musique hendrixienne de Funkadelic, un habillage sonore cosmique et futuriste en phase avec l'univers délirant imaginé par Clinton et sa bande “d'Afronauts” !

Doté de l'oreille absolue, enfant prodige du piano classique, Bernie était destiné à jouer Bach, Chopin ou Debussy. Mais sa liberté d'esprit l'empêche de se limiter à ce cadre strict, mettant Ray Charles ou Thelonious Monk sur un même pied d'égalité.

Étudiant au New England Conservatory of Music à Boston, il intègre The Preachers, un groupe local qui accompagne les futurs Tavares. Mais c'est à son retour chez lui à Plainfield, New Jersey, que sa vie prend un tournant décisif. Habitué du salon de coiffure de George Clinton, que sa mère lui interdisait de fréquenter, il se voit engagé au sein de Funkadelic qu'il intègre dès le deuxième album “Free Your Mind And Your Ass Will Follow” en 1970.

Sa maîtrise des répertoires baroque, gospel ou jazz dirige le son Funkadelic vers des contrées encore peu explorées par le funk. Orgue, piano, clavinet, Moog… il s'entoure de tous les claviers possibles et crée un univers où toutes ses influences fusionnent avec une cohérence inouïe. Sa science sera l'une des composantes principales des productions p-funk de Clinton (Parliament, Boosy's Rubber band, Parlet, Brides of Funkenstein…). Mothership Connection, Dr. Funkenstein, Funkentelechy, Flashlight… : aucun de ces classiques du p-funk n'aurait eu la même saveur sans son génie visionnaire.

 


Bernie Worrell (quatrième en partant de la gauche) au sein de Parliament © DR / Collection Gilles Pétard

 

Durant l'âge d'or du p-funk, il a offert ses services aux productions Holland-Dozier-Holland pour Invictus-Hot Wax (Freda Payne, Chairmen of the board, Ruth Copeland…) et pour Bobby Womack, Johnnie Taylor ou encore Albert King. Mais les fourberies clintoniennes autour des droits d'auteur le pousseront à quitter pour de bon le vaisseau spatial, le célèbre Mothership, au début des années 1980.

 


© Jay Savulich / Collection Gilles Pétard

 

En phase avec sa quête de liberté musicale, il laissera le destin le guider vers toutes sortes d'aventures, des Talking Heads à Bill Laswell, en passant par Fela, Tony Williams ou The Pretenders. Punk, rock, pop, electro, afro-beat ou hip-hop, tout avait un intérêt ludique et instructif pour ce chercheur que seul le cancer a définitivement fait taire. On pourrait disserter un moment sur son influence dans les musiques électroniques actuelles ou sur l'importance de ses lignes mélodiques sinueuses samplées à foison dans le hip-hop West Coast de Dr. Dre et Snoop Dogg.

« Is there Funk after death ?! », George Clinton posait cette question existentielle en 1975 dans le fabuleux P. funk (Wants to get funked up). Bernie Worrell connaît désormais la réponse. Et vu d'ici, c'est le funk qui, après les départs de Maurice White et de Prince, perd à nouveau une figure essentielle.

Belkacem Meziane

 

 


© DR