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Brèves / 04.05.2015

Ben E. King, 1938-2015

Souvent résumée à Stand by me, un des standards les plus durables de la musique populaire, la carrière de Ben E. King au cœur des musiques populaires afro-américaines s’est pourtant étendue sur plus de vingt ans, avec de multiples rebondissements.

Décédé ce 30 avril, Ben E. King était né Benjamin Earl Nelson le 28 septembre 1938 à Henderson en Caroline du Nord. Installé à New York à l’âge de 9 ans, il fait ses débuts sur la scène locale, où règne en maître le doo wop, et rejoint courant 1957 un groupe baptisé les Five Crowns qui a déjà enregistré plusieurs disques. Ben participe à un 45-tours du groupe, Kiss and make up, qui obtient un certain succès local. Le groupe est alors embauché pour une apparition à l’Apollo, dans le cadre d’une “Rhythm’n’Blues Revue” organisée par le disc-jockey Dr. Jive, au sein d’un programme dont la tête d’affiche est Ray Charles et qui accueille également Solomon Burke, Ann Cole, et plusieurs groupes vocaux dont les Drifters. À l’époque, ceux-ci ne sont plus que l’ombre du groupe à succès du début des années 1950, d’autant que ses deux chanteurs principaux les plus marquants, Clyde McPhatter et Johnny Moore, ont quitté le groupe depuis longtemps.


The Five Crowns, avec de g. à d. : Dock Green, Ben Nelson, James “Papa” Clark, Elsbeary Hobbs, Charlie Thomas © DR / Collection Gilles Pétard

Impressionné par la prestation des Five Crowns, le manager des Drifters, George Treadwell, qui est propriétaire du nom, décide de se débarrasser de ce qui reste du groupe et de les remplacer par les Five Crowns. Benjamin, qui adopte alors le pseudonyme qu’il gardera ensuite, devient donc l’un des deux chanteurs principaux des Drifters aux côtés de Charlie Thomas. Les premiers temps sur la route sont difficiles : bien souvent, les nouveaux Drifters sont hués par un public qui s’attend à voir le groupe d’origine. À l’occasion d’une pause dans les tournées, début 1959, le groupe entre pour la première fois en studio pour enregistrer, sous la direction de Leiber & Stoller, une composition de Ben, There goes my baby. Avec son rythme influencé des sons brésiliens et ce nouveau chanteur, le 45-tours ne ressemble à rien de ce qu’ont publiés les Drifters jusqu’ici. Le succès n’en est que plus éclatant lorsqu’il atteint, outre la première place R&B, le deuxième rang pop. Dans les mois qui suivent, le groupe, emmené par la voix de Ben, enchaîne les tubes, dont Dance with me, This magic moment et Save the last dance for me – le seul numéro Un pop du groupe – sont les plus mémorables.


The Drifters, avec de g. à d. : Charlie Thomas, Ben E. King, Dock Green, Elsbeary Hobbs © DR / Collection Gilles Pétard

Suite à des difficultés de management, Ben quitte les Drifters dès 1960, tout en restant sur Atlantic. Ses deux premiers disques passent inaperçus, mais Spanish Harlem, en 1961, lui permet de renouer avec les hit-parades. Quelques mois plus tard, c’est avec Stand by me, un morceau écrit par Ben avec Leiber et Stoller à partir d’un standard gospel, qu’il décroche le tube (4e côté Pop, 1er côté R&B) qui lui garantit la postérité. S’enchaîne ensuite une série de 45-tours qui lui permettent de conserver sa place au sein de l’élite des chanteurs soul jusqu’à la fin des années 1960, parmi lesquels les mélodramatiques Don’t play that song (You lied) et I (Who have nothing) et le dansant What is soul?. Les albums qu’il enregistre pendant cette période pour Atlantic, même s’ils ne connaissent qu’un succès modeste, ne manquent pas de charme, Ben étant également à l’aise avec les standards alors inévitables. En 1968, il participe, avec Solomon Burke, Joe Tex, Don Covay et Arthur Conley, à l’expérience éphémère du Soul Clan. À la fin de la décennie, cependant, sa carrière est sur la pente descendante et il quitte Atlantic pour enregistrer deux albums pour les labels Maxwell et Mandala.

S’il passe alors beaucoup de temps sur les scènes des cabarets de Las Vegas, Ben ne se contente pas de devenir une vedette “oldies”. Bluffé par la qualité de son nouveau répertoire, Ahmet Ertegun lui propose de resigner avec Atlantic. Paru en 1975, le funk mid-tempo de Supernatural thing lui permet de renouer avec le succès et avec le sommet du hit-parade R&B (5e côté Pop). Plusieurs tubes plus modestes s’enchaînent les années suivantes, parmi lesquels une collaboration très réussie avec l’Average White Band (A star in the ghetto), avec lequel il apparaît au festival de Montreux. Après une série de cinq albums, sa deuxième période Atlantic s’achève en 1981 et Ben rejoint pour quelques années les Drifters, qui sont restés très populaires en Angleterre. En 1986, sa popularité connaît un nouveau rebond quand Stand by me, utilisé par un film du même nom et une publicité télévisée, retrouve les sommets des classements. S’il passe ensuite le reste de sa carrière à se produire sur le circuit “oldies”, il continue à enregistrer régulièrement, s’essayant même à un registre jazz qui lui va mieux que bien.

Aucun coffret exhaustif n’a été consacré à l’œuvre de Ben E. King et ses albums ne sont pas disponibles. À défaut de mieux, le “Very Best Of” publié par Rhino en 1998 permet de retrouver ses principaux tubes. Attention aux multiples réenregistrements disponibles dans des collections économiques…

Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © DR / Collection Gilles Pétard