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Interviews / 20.01.2022

Batterie de compétences, épisode 2 : Denis Agenet

Ils sont batteurs de talent, tourneurs, programmateurs, investis dans la production d’albums… Après Pascal Delmas et avant Fabrice Bessouat, rencontre avec Denis Agenet.

Pourquoi la batterie ? 

Je suis fan de musique depuis que je suis gamin, mais paradoxalement je me suis mis “assez tard” à la batterie, à l’âge de 18 ans. Cet instrument me fascinait ! J’avais l’impression que les batteurs étaient les patrons du groupe. Plus que les batteurs eux-mêmes, j’étais ébloui par le volume sonore, le son, la gestuelle. C’était classe !

Rapidement, tu joues en groupe.

Bien sûr, au départ, je jouais dans ma chambre par-dessus mes disques et mes cassettes, mais ce que je voulais, c’était jouer avec les autres ! Et, très vite, je saisis cette opportunité en me produisant avec diverses formations sur Nantes. J’ai un souvenir très précis de mon premier concert, que je fais avec un seul bras, m’étant luxé l’épaule peu de temps avant… J’étais vraiment désolé, mais je l’ai fait ! Après plusieurs expériences au sein de différents groupes, j’intègre ce qui va devenir Bad Mules à la fin de l’année 2003. 

Projet au sein duquel tu vas finir par devenir également chanteur. Batteur-chanteur, un profil rare !

On peut bien sûr citer des gens comme Bernard Purdie, Levon Helm ou Big Joe Maher, mais c’est vrai que ce n’est pas banal. En fait, je deviens chanteur un peu par la force des choses même si cela m’a toujours attiré. En 2007, nous enregistrons “Who Drank My Beer?” avec l’excellent chanteur américain Karl Davis. Mais, on sait d’avance avec Julien Broissand [chanteur-guitariste au sein de Bad Mules] que ce ne sera pas pérenne, Karl étant déjà engagé dans plusieurs projets et vivant accessoirement en Floride. Et, du coup, avec Julien, on décide de sauter le pas. En 2011, nous sortons “Back In Town”, suivi de “Keep Rollin’” trois ans plus tard. Comme pour la batterie, je ne prends pas de cours, je suis un parfait autodidacte qui apprend en écoutant.

Mais, en fait, je ne me suis jamais vraiment posé la question d’être batteur-chanteur. C’est comme le fait d’écrire des chansons : je me suis mis à le faire parce que ça me plaît. J’aime vraiment ça ! Avant le chant, je m’étais mis à la guitare, également. J’ai une espèce de besoin, de boulimie, appelle cela comme tu veux. Je n’ai jamais eu pour ambition d’être un virtuose : mon truc, c’est de faire de la musique ! Je n’aurais jamais pu me contenter d’être simplement batteur. J’ai eu très vite envie de composer, de comprendre les structures harmoniques. Découvrir, progresser, apprendre : je prends cela comme un challenge ! 

2018 marque le début de l’aventure Nolapsters.

Nolapsters, c’est un jeu de mots, la contraction de Nola [acronyme de New Orleans, Louisiana] et de lapster (le homard européen). Au fil du temps, sur les conseils de plusieurs amis musiciens, j’y accole mon nom. L’idée, c’est de dégainer des faces B de l’âge d’or du rhythm and blues néo-orléanais (Fats Domino, Dave Bartholomew…). Rapidement, j’intègre des compositions auxquelles j’essaye d’insuffler cet esprit. L’envie, en mettant en place ce projet, c’est de chanter tout un répertoire tout seul, sans partager le chant comme je le fais dans Bad Mules avec Julien. Plus besoin de faire de choix, je peux décider de manière très spontanée ce que je vais chanter sans avoir à me soucier du morceau d’avant ou du morceau d’après !

© Serge Dalex

“Plus que les batteurs eux-mêmes, j’étais ébloui par le volume sonore, le son, la gestuelle. C’était classe !”

Denis Agenet

Évoquons maintenant ensemble tes autres activités. Et elles sont nombreuses ! 

Ce que j’adore, c’est écrire et enregistrer mes morceaux, pousser au plus loin le travail, aller dans les détails. Faire des concerts, partir en tournée, c’est vital, mais tout le travail de création, d’élaboration, c’est un plaisir incomparable. J’ai ainsi supervisé l’enregistrement de trois albums de Bad Mules ou de l’EP de Denis Agenet & Nolapsters, mais également de groupes auxquels je n’appartiens pas comme Jumpin’ To The Westside (le premier groupe d’Alexis Evans et Thibault Ripault) ou les String Breakers. 

Et, visiblement, c’est un aspect que tu souhaites explorer. 

L’idée à terme, ce serait sans doute de moins tourner, de manière moins éparse, si je peux me le permettre. Et, donc, en effet, de développer le Twin Studio qui se trouve chez moi à une petite trentaine de kilomètres au sud de Nantes. J’ai suivi une formation dans ce sens. Trouver le bon spectre, la phase sur les sons de micro, le bon placement, se rapprocher du son que l’on a envie d’entendre, c’est passionnant. 

Qu’en est-il du booking, un autre aspect dans lequel tu es également engagé ? 

Sur ce terrain-là, je suis vraiment dans l’affect, pas du tout dans une logique d’entreprise parce que ce n’est pas mon activité première. Je fais tourner les musiciens que j’ai réellement envie de faire tourner. Nathan James, John Del Toro Richardson, Mac Arnold, ce sont des coups de cœur ! Prenons Mac Arnold, par exemple. Ce n’est pas que musical. Ce type a une histoire et un CV incroyables ! Je sais bien qu’à 79 ans, sa prochaine tournée en Europe sera sans doute la dernière. Mais, je veux que les gens aient la chance d’entendre et de voir ce témoin et acteur d’une époque révolue. Je souhaite vraiment l’enregistrer, le filmer, qu’il me raconte ses expériences et ses tournées avec James Brown, Muddy Waters, Bobby Blue Bland, les Temptations, John Lee Hooker ou B.B. King ! Ce type a vécu mille vies ! Avoir la possibilité de faire tourner de tels artistes, c’est notamment possible grâce à des passionnés comme Erick Diard de Terri’Thouars Blues Festival. Lui, c’est un véritable dénicheur ! Il va te chercher des artistes qui ont de beaux morceaux, de belles chansons avec ce côté greasy que j’adore !

© Jean-Marie Jagu

“Trouver le bon spectre, la phase sur les sons de micro, le bon placement, se rapprocher du son que l’on a envie d’entendre, c’est passionnant. ”

Denis Agenet

2022 s’annonce intense !

Premier projet à venir : l’album de Denis Agenet & Nolapsters que nous allons enregistrer d’ici peu. De très belles dates sont d’ores et déjà prévues dont une au festival Cognac Blues Passions le 6 juillet, notamment. Pour l’occasion, nous serons une douzaine sur scène dans un format big band ! Une tournée est également prévue en Norvège avec des musiciens locaux. J’accompagnerai Mac Arnold du 24 février au 14 mars (16 dates, essentiellement en France !), Ivy Ford en août puis José Ramirez en novembre, et j’espère de nouveau avoir l’opportunité de faire venir Nathan James, un artiste incroyable.

Le vinyle 6 titres de CW Ayon enregistré au Twin Studio l’été dernier est prêt et donnera lieu à une tournée en 2023. En fait, je souhaiterais avec toute la modestie qui s’impose, faire un peu ce que Jacques Morgantini faisait, à savoir enregistrer tous les bons bluesmen américains que nous avons la chance de voir se produire chez nous. Il ne s’agirait pas d’enregistrer des albums, mais de capter au vol deux ou trois titres, dans la plus grande simplicité et garder une trace de leur passage ! 

Propos recueillis par Nicolas Deshayes
Photo d’ouverture © Beate Grams

denisagenet.com
Twin Studio

Épisode 1 avec Pascal Delmas

Denis AgenetNicolas Deshayes