Au casque, se focaliser sur la manière dont les cordes alimentent la tension de Go. Prendre la mesure du relief ainsi tapissé le long d’un titre qui lentement distille sa gravité majestueuse. Réaliser à quel point les écoutes successives de cette porte d’entrée et de l’ensemble de ce deuxième album révèlent une richesse sonore qui fait toute la différence avec les kilos de sorties qui disent tout d’emblée. 

Baby Rose et son équipe (dont les fidèles instrumentistes et coproducteurs Tim Maxey et John Scherer) ont le souci du détail et l’envie de sculpter une matière organique, dense et habitée, taillée pour épouser les contours d’une voix singulière. Ce timbre de contralto trempé dans le gospel et un amour profond envers Donny Hathaway n’a pas besoin de forcer, il transpire une soul ardente qui confère à chaque strophe une intensité dramatique palpable. 

La chanteuse d’Atlanta vit ses textes et nous embarque dans un récit personnel, intime, tourmenté, fait de constats sincères, de remises en question et de lueurs d’espoir. Deux invités quand le tempo accélère : discrète Georgia Ann Muldrow sur un Fight club qui tire vers le rock indé, alerte Smino sur le funky I won’t tell, premier titre frétillant de la carrière de Rose qui n’a aucun mal à investir le dancefloor. Mais s’il donne plus d’importance à la rythmique (basse épaisse et chantante, batterie tranchante et trépidante) là où son prédécesseur, l’excellent “To Myself” (cf. SB 236), s’articulait autour du clavier, “Through And Through” n’en prolonge pas moins une grande maîtrise de la lenteur. 

Avant la lueur réconfortante de Power, Baby Rose aura suspendu le temps à ses lèvres, à son souffle rauque, à son implication totale dans des chansons intenses (Tell me it’s real, Water) sinon bouleversantes : l’invitation brûlante et hantée de Dance with me, le dépouillement magnifique de Stop the bleeding et son doux crescendo tournoyant. Tant de force dans les détails.

Nicolas Teurnier

Note : ★★★★
Label : Secretly Canadian
Sortie : 28 avril 2023