;
Brèves / 29.04.2013

Artie “Blues Boys” White, 1937-2013

Décédé le 20 avril dernier à Chicago, soit quatre jours après avoir “fêté” son 76e anniversaire à l'hôpital, le chanteur Artie “Blues Boy” White souffrait de la maladie de Parkinson et de diabète.

Le parcours d'Artie White est similaire à celui de beaucoup de chanteurs de sa génération. Originaire du Sud profond (il naît à Vicksburg dans le Mississippi), il chante d'abord le gospel et se produit avec l'ensemble The Harps Of David. Migrant à Chicago en 1956, où il exerce le métier de conducteur de poids lourd, il continue dans la musique sacrée au sein des Full Gospel Wonders, avant de constater comme beaucoup d'autres que le blues et le R&B sont plus lucratifs.

Durant les années 1960 et 70, il enregistre alors une série de 45-tours sur une multitude de labels tels PM, Gamma, Cynthia… Le plus emblématique demeure Leanin' tree, un blues cuivré superbe, mid tempo en mode mineur, enregistré en 1977 avec James Wheeler à la guitare et dont le succès dépasse la sphère locale chicagoane. C'est à cette période qu'il devient le propriétaire du Bootsy's, un club qui, outre les valeurs sûres de la ville, vit défiler toutes les vedettes nationales de passage dans la Windy City : Johnnie Taylor, Vernon Garrett, Albert King, O.V. Wright, David Ruffin… White est également un temps le road manager de son modèle et meilleur ami Little Milton, qu'il présente souvent abusivement comme son demi-frère et dont il copie jusqu'au modèle de lunettes.

 


Utrecht, 1990 © André Hobus

 

En 1985, Ronn, la marque de Stan Lewis à Shreveport en Louisiane édite son premier, et sans doute meilleur album, “Blues Boy”. Enregistré à Chicago dans les célèbres studios de l'ex-trompettiste Paul Serrano, l'album bénéficie de l'accompagnement du groupe funk Amuzement Park, mené par le bassiste Paul Richmond et comptant comme membres Ruben Locke, Darryl Ellis et le guitariste prodige Rico McFarland. Ce dernier se trouve être le protégé de White, qui l'avait lancé quelques années auparavant sur la scène de son club alors qu'il n'était âgé que de 13 ans. Le groupe est pour la circonstance totalement converti à la cause du blues et de la soul sudiste. Artie y propose notamment une nouvelle version de Leanin' tree ainsi que des reprises totalement réarrangées de Funny, how time slips away ou Chains of fool, mêlées à des compositions originales de Bob Jones. Le disque permet au désormais “Blues Boy” d'étendre son aura jusqu'au Sud où il partage l'affiche de concerts avec Marvin Sease, Lynn White et bien sûr Little Milton.

Porté par cet élan, il propose de 1987 à 1992 une série d'albums pour la firme Ichiban. Mêlant Chicago blues et reprises soul issues des années 1960, ces disques sont de qualité malgré une certaine redondance et valent d'être recherchés ne seraient-ce que pour leurs extraordinaires pochettes. L'artiste y apparaît dans diverses mises en scène et affiche tous les apparats du stand up singer, bagues à chaque doigt, costumes lamés et autres bijoux de pacotille. Son LP de 1991, “Dark End Of The Street” fait même une entrée au Billboard.

 

 

C'est durant le milieu des années 1990 que les Européens ont la chance de l'applaudir en concert puisqu'il se produit au Blues Estafette d'Utrecht ainsi qu'au Méridien à Paris. Les spectateurs français se souviennent de shows mémorables où le chanteur, à la tête d'un orchestre impeccable, commandait un verre de sa marque de Cognac favorite tout en entonnant le Foot stompin music d'Hamilton Bohannon. Son deuxième passage parisien se fit au Maxwell Café, dans un contexte musical nettement moins attrayant, mais qui permit à Soul Bag de réaliser une interview publiée dans notre numéro 154.

 


Paris, 1998 © Thierry Prévost

 

Artie White termine la décennie par un contrat avec la firme Malaco, pour laquelle son meilleur effort reste “Different Shades Of Blue”. Les années 2000 sont moins fastes. Contraint à l'autoproduction, le chanteur propose des CD intéressants comme “Can't Get Enough” (Achilltown, 2002) et, surtout, maintient constante sa qualité vocale, une habile synthèse des styles de Junior Parker, Bobby Bland et Little Milton. Jusque dans ses dernières années et malgré la maladie, on pouvait encore entendre épisodiquement cette figure secondaire mais importante et respectée du blues moderne, dans des clubs noirs de Chicago comme l'East Of Ryan ou le Rockin' Horse.

Ses obsèques furent célébrées le samedi 27 avril à la New Faith Baptist Church de Chicago.

Nicolas B.

 


Chicago, 2006 © Brigitte Charvolin