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Brèves / 07.07.2013

À Vienne, Shemekia irradie

Au programme de ce 6 juillet, une longue nuit du blues avec trois concerts. Pour ouvrir, triste spectacle que l’ombre spectrale d’un Johnny Winter que l’on cache derrière un panneau noir pour l’amener et le sortir de scène sur un siège à roulettes, comme une vulgaire batterie lors des changements de plateau. Durant près de 90 minutes, il va éructer des reprises éculées (Johnny B. Goode, Got my mojo working, Killing floor, Dust my broom) en jouant faux de la première à la dernière note, son groupe essayant de couvrir le désastre en nous assourdissant. Consternant, triste et même malsain. Changement de dimension avec une Shemekia Copeland en pleine forme et en pleine maturité qui confirme qu’elle fait bien partie des meilleures chanteuses de blues actuelles, alternant shuffles efficaces (Dirty water, Big lovin’ woman, Stand up and testify, It’s 2 AM), titres joyeusement funky (I’m givin’ up you), ballades (Ain’t gonna be your tattoo qu’elle dédie non sans humour à Johnny Winter…) et autres blues lents avec The other woman et une interprétation toujours aussi poignante de Ghetto child. Avec naturel et verve sans jamais trop en faire, en outre soutenue par une formation de tout premier ordre, Shemekia offre la meilleure prestation de ces deux premières soirées qui mettaient le blues à l’honneur. La standing ovation du théâtre antique pour ponctuer le show est un signe qui ne trompe pas. Quant à Robert Cray, le mystère qui l’entoure s’épaissit. Son talent est indiscutable, qu’il s’agisse de sa magnifique voix soul comme de son jeu de guitare hautement personnel d’une rare originalité. À certains moments (Side dish, Chicken in the kitchen), il prouve une capacité à secouer l’atmosphère, mais quand le tempo ralentit (hormis Sitting on top of the world qui montre une belle complicité avec Jim Pugh au piano), il se recroqueville et semble absent. Une sensation grandement due à sa façon inexplicable d’occuper (ou plutôt de ne pas occuper) la grande scène viennoise, sur laquelle il s’installe complètement en retrait avec ses musiciens. Pas facile dans ces circonstances d’installer la communion avec l’audience… Au bilan, on perçoit les qualités artistiques exceptionnelles de Cray, mais on ressort frustré par son manque de présence.
Daniel Léon