Du funk graisseux là où on ne l’attend pas. À 21 ans, George van den Broek est de cette génération qui sait tout faire, comme fabriquer un album de A à Z à la maison. Mais une fois cette case cochée, avec un EP et un LP de belles factures dans un registre soul alternative épurée, le Britannique a ressenti un fort besoin d’interaction, d’échange, de contact réel. Alors des disques bouillants des seventies lui ont montré la voie, alors il a réuni des musiciens capables ensemble de faire suinter les enceintes.

En ouverture, un extrait d’interview de Ray Charles qui constate la standardisation que l’industrie impose aux jeunes talents. Le Be free qui suit sonne comme un manifeste : un chant soul écorché déambule dans une tranchée moite où s’entremêlent des instruments qui ont de l’espace pour vibrer. Cet état d’esprit jam et cette aura hérités de Sly & the Family Stone vont faire la loi 78 minutes durant. Yellow Days s’est fait plaisir en ouvrant les vannes, sans penser radio ni “timing catchy”. Place aux charleys maltraitées, aux orgues juteux, aux claviers loufoques, aux synthés qui tachent, aux basses protubérantes, aux guitares tordues, aux chœurs perchés, aux batteries pugilistiques. Une bonne dose de p-funk irrigue le tout, notamment sur des titres foutraques sous contrôle comme Let you know, Who’s there? et Open your eyes.

Un court titre rappé pointe sa tête par surprise au beau milieu et la fin de programme tempère un peu en invitant touche disco et falsetto tranquille. Mais en privilégiant un chant qui se pavane avec nonchalance et grandiloquence, Yellow Days épouse une tradition funk en droite ligne des Ohio Players. Sur la longueur s’installe certes une redondance qui rend difficile la distinction entre des compos qui se ressemblent, mais pointons par exemple l’effet du cabossé The curse, grisante passerelle vers le fameux “Riot…” d’un certain Sly. À l’image d’un album généreux, bourré de sève, d’envie et de joie de jouer. 

Nicolas Teurnier

Note : ★★★★
Label : Columbia
Sortie : 18 septembre 2020