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Live reports / 19.04.2018

Week-end zydeco à Houston (1/2)

Récit de voyage texan par Philippe Sauret. Première partie.

Visiter Houston en février est une excellente idée. On évite la période des ouragans et des inondations et les températures sont plutôt douces, entre 16 et 22 degrés. Et puis, février, c’est aussi la période de Mardi Gras avec ses multiples manifestations et festivals. L’occasion pour l’amateur de multiplier les concerts.  

Vendredi matin, visite des disquaires. Plusieurs sont concentrés au sud-ouest de la ville, autour de Richmond Avenue. Cactus Music est situé juste à côté de Rockin Robin Guitars & Music, un magasin d’instruments de musiques réputé. Les frères Vaughan et Billy Gibbons y avaient leurs habitudes. Cactus Music est un grand entrepôt avec plusieurs dizaines de milliers de disques. Peu de place pour le CD, le vinyle y est roi. Un grand rayon rock, un autre impressionnant consacré au rap et au hip-hop. Par contre peu de place pour le blues – une quarantaine de disques tout au plus – avec quelques 45-tours Peacock de Bobby Blue Bland. Le rayon soul funk est bien plus intéressant, avec de nombreuses faces Malaco, Stax, Muscle Shoals, Motown… et de belles affaires possibles à partir de cinq dollars. À noter aussi un petit coin musiques régionales avec quelques disques Goldband. 

 

 

 

À quelques centaines de mètres, l’autre magasin de référence est Soul Exchange, malheureusement fermé. Nous nous rabattons sur Sid’s Lagoon dans Midtown le long de Main Street, juste en face du Continental Club, une salle de concert réputée. Là encore, le choix en vinyle est impressionnant : jazz, soul, blues, funk… Un choix vaste, abordable, avec des raretés : ils ont encore des Spivey Records, le label de Victoria Spivey, et un vendeur sympathique de bon conseils. Par manque de temps nous ferons l’impasse sur Vinyl Heights, un magasintout juste relocalisé dans le fith ward au nord de Downtown. Dommage, la peinture murale de la devanture faisait envie. Une remarque pour finir, aucun rayon zydeco dans ces magasins. 

 

 

 

 

Vendredi soir. Début du week-end et cruel dilemme. Que choisir ? J Paul à Mister A's ? Gerard Delafose au Shakespeare Pub ? Brian Jack au Mye's Hall ? Ce sera finalement Ruben Moreno au Jax Grill. Situé dans un quartier populaire middle class sur Shepherd Dr, le Jax est le lieu incontournable pour qui veut écouter du zydeco à Houston. Programmation de qualité tous les vendredis et samedis soir entre 18 et 22 heures. Restauration généreuse, à la fois mexicaine, américaine et sea food. On y vient en famille profiter de l’ambiance, danser et retrouver les amis. L’endroit est bondé mais il y a suffisamment de place pour danser. Ce soir, Ruben est à la tête d’un orchestre de huit membres. Pas de guitariste mais des claviers et un MC rappeur. On retrouve également deux piliers essentiels pour assurer la rythmique, le batteur Sidney Penny et le frotteur Nick Labbe. Le concert commence doucement avec Follow me downpuis monte en puissance. Ruben revisite John Delafose (Broken heart), Keith Frank (Do the mill), Clifton Chenier (Hot tamale Baby) et joue ses propres compositions issues de ses deux disques (Tears in my beerYou and I… ) Le spectacle est aussi dans la salle. On y voit des danseurs réputés (Henry Tninety Davidson, le couple Jody et Ursulla Toliver…), les gamins courent entre les tables.  

 

 

 


Après Ruben, nous allons au Shakespeare Pub pour voir Gerard Delafose. L’endroit se situe sur dans les Heights, le quartier huppé de Houston. C’est avant tout un club de blues. En témoigne le hall of fame à l’entrée et les belles photos de Zuzu Bollin, Joe “Guitar” Hughes,  Johnny Copeland, Pete Mayes… Mais il passe à l’occasion du zydeco. L’ambiance est bonne enfant et le public compte une cinquantaine de personnes. Pour l’occasion, Gerard a recruté sur place un batteur et un frotteur. Mais il peut compter sur son guitariste Bryan Keith pour assurer la cohésion musicale. Gerard évoque bien sur son grand-père John Delafose et son oncle Geno. Mais il s’en démarque par un jeu d’accordéon personnel et un répertoire sur mesure tiré en grande partie de son premier disque, l’excellent “Can’t Make U Love Me”. Point d’orgue du concert la belle valse Love don’t come easy. L’accordéoniste Curtis Poullard présent dans le public apprécie. 

 

 


Gerard Delafose

 

Samedi. Journée toute entière consacrée au Creole Zydeco Mardi Gras Parade dans downtown et dont c’est la quatrième édition. Parade, élection des miss Mardi gras, nombreux stands (boudin frit, cracklins, gumbo…) et sept heures de musique non-stop dans des conditions parfois pas facile, le temps ayant décidé d'être capricieux. Beaucoup de pluies et quelques belles éclaircies. Quelques regrets avec le désistement de Corey Ledet et l’absence de Dikki Du pourtant programmée. Quelques belles surprises aussi comme l’arrivée de Lil Wayne & Same Ol’ Two Step et la rencontre avec JJ Caillier, tout simplement l’ingénieur du son du festival. Revue de détail par ordre d’apparition. 

Les Zydeco Dots sont toujours au top. Trente ans à jouer ensemble, ça vous soude un groupe ! Leur nouveau chanteur accordéoniste Malcolm Jamal, fils du batteur Joseph Rossyion, a permis l’élargissement de leur répertoire hors Clifton Chenier-Dopsie-Buckwheat. Leur composition I’m the boudin manest toujours très bien accueilli et leur reprise de L’argent (Lil Nate) remporte l’adhésion des line dancers. Quant au frotteur Michael E. Vowell, il fait le show et s’amuse avec le jeune public. 

 


Zydeco Dots

 


Malcolm Jamal

 


Michael E. Vowell

 

 

 

 


Tom Potter

 


Rusty Metoyer est la première grosse claque du festival ! Son groupe est jeune, soudé et porte des arrangements simples, précis qui font mouche (excellent Nick Leday au frottoir). Le répertoire est presque entièrement original et emprunte à ses deux disques (Hey RosaSet mefreeKuntry boy… ). Même ses reprises (Mardi GrasMotor dude special) sont réappropriées et traitées de manière originale. La grande classe. Un bémol ? L’augmentation du volume sonore sans doute non nécessaire. 

 


Rusty Metoyer

 

 


Nick Leday

 

 

Avec Lil Wayne Singleton & Same Old Two Step, le niveau sonore baisse mais la qualité demeure. La formation assure un groove permanent très marqué par Zydeco Force (One more time) et Roy Carrier (Let the meatballs roll) mais aussi avec quelques emprunts à Clifton Chenier (I’m a farmerTi na na).

 


Lil Wayne Singleton & Same Old Two Step

 


Lil Wayne Singleton

 

 


Brandon Delafose

 

Plusieurs moments forts : Mojo, chanson qu’il présente en évoquant sa bataille gagnée contre un cancer de la prostate, et sa reprise de Bonsoir Moreau, commencée en duo avec son frotteur Brandon Delafose avant que le reste de l’orchestre ne le rejoigne. 

À suivre…

Texte et photos : Philippe Sauret