Le disque débute par un extrait tiré de l’ultime interview donnée par Wee Willie Walker en novembre 2019 : « This is the most fun project I’ve ever had the opportunity of working on. I don’t think it can ever happen again. Not in my lifetime. » Le destin lui a cruellement donné raison. ­Willie décédait trois jours plus tard et la soul perdait avec lui l’un de ses plus valeureux représentants. « Le meilleur même », selon le guitariste Anthony Paule. À l’écoute de ces faces bouleversantes d’intensité, on voit mal comment lui donner tort.

Puissance, charisme, souplesse, sens du timing et de la dramaturgie, ferveur gospel imbibée d’inflexions bluesy : Willie Walker vous prenait aux tripes comme seuls les vrais chanteurs de soul sudiste savent le faire. D’autant que le répertoire mis sur pied par Paule, son épouse Christine Vitale et Larry Batiste est somptueux, un mélange de ballades apaisées, de slows tord-boyaux et de brûlots uptempos spécialement écrits pour l’occasion, agrémenté de trois reprises triées sur le volet, dont un Suffering with the blues de circonstance. Comme d’habitude avec l’Anthony Paule Orchestra, l’interprétation est top niveau : chorus de guitare adaptés à chaque composition, arrangements ultra soignés, chœurs qui doivent autant à l’église qu’aux clubs graisseux du Tennessee. Comment pourrait-il en être autrement avec ces musiciens rodés par des décennies d’expérience et de camaraderie ? Il faut les avoir vus sur scène pour prendre la mesure de l’amour qui les unit et du respect qu’ils entretiennent vis-à-vis de l’héritage afro-américain.

La production, signée Jim Gaines, est juste parfaite, à la fois précise et organique. On ne produit plus beaucoup de très grands albums de soul de nos jours. Celui-ci en fait clairement partie. Séchons donc nos larmes et écoutons l’immense Willie Walker rugir une dernière fois.

Ulrick Parfum

Note : ★★★★★ (Le Pied!)
Label : Blue Dot
Sortie : 16 juillet 2021