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Live reports / 24.09.2009

VOLCANIC BLUES FESTIVAL


Simon "Shuffle" Boyer © Jean-Philippe Porcherot

Difficile d’assister à tous les concerts tant la programmation concoctée par le tandem organisateur Marie-Christine Dubourg-Simon Boyer se révèle riche et d’excellente qualité. La particularité de ce Volcanic Blues Festival est la gratuité de l’ensemble des concerts programmés dans les bars et restaurants de cette agréable station climatique auvergnate qu’est Le Mont-Dore. Dès le premier jour, ces établissements sont pris d’assaut par les festivaliers. Ces endroits chaleureux dans lesquels le public est parfois installé à moins d’un mètre des musiciens confèrent au festival toute son âme, favorisant ainsi les échanges dans une ambiance des plus conviviale. Le Petit Paris (alias "Chez Mimi") ou Le Tsar, par exemple, deviennent désormais des lieux incontournables pour tout amateur de blues en période de festival.

En ouverture de cette troisième édition haute en couleur, Le Tsar accueillait Jeff Toto Blues. Jean-François Thomas, guitariste leader de ce trio, déclame son blues électrique en français tout en restant fidèle à l’esprit du blues traditionnel, favorisant le "double entendre" dans certaines de ses compos.
Choix judicieux que d’assister ensuite à la prestation du talentueux chanteur-harmoniciste Vincent Bucher à la Brasserie Le Paris : un set irréprochable sur lequel flottait l’esprit de Junior Parker ou de Little Walter. Son blues band de circonstance avec Stan Noubar Pacha à la guitare accompagné par la section rythmique Christophe Garreau (basse) – Simon "Shuffle" Boyer (batterie) fut d’une efficacité redoutable dans le plus pur style Chicago blues.


Jean-François Thomas © Jean-Philippe Porcherot


Vincent Bucher © Jean-Philippe Porcherot


Thibaut Chopin & Simon "Shuffle" Boyer © Jean-Philippe Porcherot

Autre endroit, autre style avec Lonj au Petit Paris. Une nouvelle fois, la magie du lieu associée au blues électrique hypnotique du bordelais opéra sur le public. Avec sa guitare, Nicolas Lonj, harmonica sur rack, sut créer une ambiance "juke joint" dans ce bar bondé à craquer et sa voix chaude, posée, à l’anglais irréprochable, conquit les fans de Jimmy Reed ou de Howlin’ Wolf – Bo en soutien à la batterie insufflant l’énergie nécessaire à ce set fort plaisant.
The Honeymen se produisaient le lendemain au restaurant La Table Auvergnate pour un Chicago blues bien balancé qui enthousiasma l’auditoire. Thibaut Chopin à la contrebasse assurait le tempo aux côtés des deux frangins Jimmy (guitare) et Elmore (harmonica) Jazz sur des reprises de Muddy Waters, Jimmy Reed…. Que ce soit la voix de Jimmy ou bien celle d’Elmore, on se laisse embarquer dès les premières phrases pour un voyage aux sources du blues électrique. Le pied !
C’est au bar Le Sancy que Loreney n' Sugar Strings nous délivra un blues tout en nuances. La belle voix soul de Loreney sut captiver un auditoire enflammé tant par la grâce de la chanteuse que par la qualité de ses interprétations – le set se terminant sur une version perso assez cool Route 66. Belle performance de Jean-Luc Cigolini à la guitare. Performance renouvelée pour Loreney et ses acolytes sur la scène de la Brasserie du Soleil en soirée dans un répertoire similaire à quelques titres près dont une excellente version de St. James Infirmary.

La journée du samedi, point d’orgue du festival, était très attendue, les habitués se pressant d’envahir une nouvelle fois Le Petit Paris pour assister à la prestation du pianiste américain Ricky Nye soutenu par l’incontournable Volcanic Blues Band. Le tandem Chopin-Boyer, enthousiasmant, sut parfaitement tisser la trame permettant à la guitare inventive d’Anthony Stelmaszack de proposer la réplique idéale au jeu de piano sautillant du "Boogie Man" de Cincinnati, Ohio. Christian Vaudecranne (sax soprano) rejoignit le groupe sur quelques morceaux apportant une coloration néo-orléanaise à l’ensemble. Une prestation rondement menée.
La brasserie Le Paris proposait un concert du groupe Rosebud Blue Sauce en fin d’après-midi – l’occasion d’apprécier le phénomène Nico Duportal, look à la T-Bone Walker, chanteur-guitariste talentueux doublé d’un showman pétri d’humour. Du swing à l’état pur ! Ça décoiffe (malgré la gomina) sur des reprises d’Eddie Vinson, de Joe Houston ou de Floyd Dixon, tout comme sur les compos du groupe dont l’excellent Polish woman. Benjamin Conti au sax ne fut pas en reste, plaçant un solo bien senti sur chaque morceau dans un esprit très jump blues. Le public eut tôt fait de pousser les tables pour danser dans une ambiance explosive. La "boom" des années 50 !


Ricky Nye © Jean-Philippe Porcherot


Benjamin Conti & Nico Duportal © Jean-Philippe Porcherot

La "soirée de gala" s’annonçait sous les meilleurs auspices puisque les 300 places de la salle du Casino du Mont-Dore avaient trouvé preneurs. La formation franco-américaine Ricky Nye & The Volcanic Blues Band réédita sa performance matinale en assurant la première partie. Ricky Nye alterna au piano boogies et blues lents chantés dans un style louisianais assez typé, exercice dans lequel il excelle. Des salves d’applaudissements ponctuaient chaque solo des membres du groupe et quelques danseurs s’éclatèrent près de la scène dans un rock'n'roll endiablé sur un Boogie woogie country girl très enlevé. A signaler que la majorité des titres interprétés figurent sur le CD de Ricky Nye "Ville Du Bois" (2008), enregistré avec la même formation.
Après un bref entracte, Bobby Dirninger joua quelques morceaux reflétant ses influences musicales – de Bob Dylan à Neil Young et bien d’autres chanteurs de cette veine folk. Guitariste, chanteur et pianiste d’origine alsacienne, installé à Chicago dans les années 90, il accompagne désormais régulièrement Zora Young dans le monde entier. Cette dernière fit sous entrée sous les applaudissements nourris d’un public déjà tout acquis à sa cause. L’annonce officielle de la sortie d’un nouveau CD aurait pu laisser entrevoir une prestation originale. Mais il fallut bien admettre que la chanteuse, apparemment fatiguée par une suite de concerts parisiens, en avait décidé autrement, reprenant bon nombre de standards du Chicago blues. Ses qualités vocales intactes enchantèrent néanmoins un public très réceptif, comblé par des titres aussi connus que Rock me baby, Got my mojo workin’ ou encore Summertime.


Bobby Dirninger © Jean-Philippe Porcherot


Zora Young © Jean-Philippe Porcherot

Dimanche, Hoochie Coochie Men, programmés au Café de la Place firent un carton. La formation niçoise d’Eric Frèrejacques (harmonica, chant) et de Richard Peyrichon (guitare, chant) se fait malheureusement trop rare sur la scène hexagonale. Il ne fallait donc pas laisser passer l’occasion d’assister à leur set musclé, le groove du Chicago blues y étant bien présent. Harmonica ravageur et guitare incisive, soutenus par une rythmique métronomique – Fred Dormoy (basse) associé à Charlie Malnuit (batterie) –, tous les ingrédients étaient réunis pour une prestation explosive. Applaudissements à tout rompre après 1 h 30 d’un concert où se mêlaient reprises et compos dont l’excellent Radio bullshit (titre éponyme d’un CD datant de 2005 que je vous recommande fortement), morceau que n’aurait certainement pas désavoué Bo Diddley. Bravo !


Hoochie Coochie Men © Jean-Philippe Porcherot

En soirée, après un bref passage de Bobby Dirninger et un ultime Rock me baby de Zora Young, se succédèrent Ricky Nye & The Volcanic Blues Band, Rosebud Blue Sauce et Hoochie Coochie Men sur la scène de la Brasserie du Soleil.
Un bœuf concluait quotidiennement ces journées musicales intenses, mais celui de clôture fut un must du genre. L’occasion d’apprécier des formations surprenantes dans la joie et la bonne humeur. L’heure était à la détente avec Ricky Nye à la batterie, Anthony Stelmaszack à la basse, Thibaut Chopin au chant et à l’harmonica, le duo de saxophones Conti-Vaudecranne, Pascal Mikaélian (de passage) pour un duo d’harmonicas avec Eric Frèrejacques et bien d’autres surprises dont un Simon Boyer chanteur en devenir.
Quand "jouer le blues" rime avec "faire la fête" !
Jean-Philippe Porcherot


Nico Duportal & Thibaut Chopin © Jean-Philippe Porcherot