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Live reports / 07.04.2019

Ural Thomas & The Pain, Duc des Lombards, Paris

14 mars 2019.

Et si pour une fois, on commençait par la fin ? Quand à l’issu du second set de la soirée on a demandé à ce vétéran de la scène soul de Portland pourquoi il avait disparu des écrans radars pendant de nombreuses années, la réponse sortait du cœur : « Je n’ai jamais voulu arrêter, mais le business… Vous savez ce que c’est. » Il nous confiera d’ailleurs dans la foulée qu’il n’a jamais vraiment arrêté. Pendant ce que l’on considérait ici comme une retraite forcée, chez lui dans l’Oregon, Ural Thomas montait des spectacles à destination des enfants. Une façon comme une autre de continuer à monter sur les planches après son éphémère carrière à la fin des années 1960 et le succès de quelques singles tels que Pain is the name of the game, Smile ou Can you dig it.

Un demi-siècle plus tard, le septuagénaire s’est fait repérer par de jeunes musiciens férus de cette soul, de ce funk, de ce R&B qu’on dira classique. Une initiative que l’on doit au DJ, batteur et producteur Scott Magee. Ce sont donc eux, The Pain, qui l’accompagnent sur scène et sur les deux albums publiés ces dernières années. Sous la forme d’un septet complet (baryton, ténor, trompette, basse, guitare, batterie, claviers), l’orchestre occupe complètement la petite scène d’un Duc des Lombards lui aussi bien rempli pour un soir de semaine (probablement même complet). La star du soir à l’impeccable costume salut le public avec cette drôle de malice dans le regard, voire peut-être même une forme d’interrogation, de surprise. Comme s’il y avait une anomalie à ce qu’un type comme lui se voit acclamer comme il le fut cinquante ans en arrière, avant même d’avoir chanté la moindre note. 

« Hi Paris, we’re gonna start slowly… », seront ses premiers mots. Et d’enchaîner sur les premiers accords de Can make it without you suivi illico de son “tube”, Pain is the name of the game. Ces deux premiers titres mid tempo plongent tout le monde dans une euphorie communicative qui semble rassurer notre homme. Dès lors, il ne s’arrêtera plus de causer entre chaque chanson, racontant anecdotes, blaguant avec les demoiselles à sa portée ou avec leurs compagnons. 

Les membres de The Pain forment un très bon groupe d’accompagnement. Sobres et avant tout au service d’Ural Thomas, ils savent faire monter la température ou redescendre la pression. Les titres défilent, les chorus quels qu’ils soient sont toujours brefs et convaincants, respectant le format de ces compositions taillés pour le format single.

Scott Magee 
Willie Matheis , Dave Monnie et (derrière à la basse) Arcellus Sykes 

Sur les ballades, la voix semble parfois un brin chevroter, mais Ural Thomas, qui dans ce contexte évoquerait presque les “crooneries” d’un Lou Rawls, connaît son affaire. À la faveur d’un pont, d’un break, il trouve une parade, rigole grassement, parle à voix grave ou exécute une série de gestes théâtraux (mains sur le cœur, prière…) qui vous font vite oublier ces petits fléchissements vocaux.

Sur des titres enlevés, la donne est différente, mais aussi plus facile à “vendre” au public. Du rythme et du blues cuivrés, des recettes up tempo efficaces (intro batterie-basse-voix) et ce Ural Thomas au débit funky, chapeau noir vissés jusqu’au sourcils qui fait le clown, qui danse et qui ambiance !

Les patrons du club se demandent peut-être pourquoi ils n’ont pas viré toutes les tables tant l’envie de danser se fait sentir. Quelques silhouettes au fond de la salle se prêtent d’ailleurs au jeu. Ural Thomas ruisselle de sueur et remercie chaleureusement le public parisien, visiblement aussi content qu’ému. Puis reviendra faire un mini tour sur scène pour un rappel de circonstance.

Au coup de sifflet final, une belle soirée de musique. Loin du hold up avec caution que certains producteurs de spectacles ou tourneurs proposent parfois pour vendre leurs “gloires” du passé. On parierait bien sur une prochaine venue française dans un cadre plus compatible aux mouvements des corps comme au potentiel public qui pourrait se sentir concerné. Soul Bag tient la barre depuis 50 ans, alors pourquoi pas lui ? Affaire à suivre !

Texte : Julien D.
Photos (prises pendant les balances) © Frédéric Ragot

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