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Live reports / 18.01.2022

Un goûter-concert avec Théo Charaf, l’Aéronef, Lille

11 décembre 2021.

Ce n’est pas un mélange courant que celui des mots “blues” et “goûter”, c’est pourtant ce que nous propose l’Aéronef pour cette après-midi en compagnie de Théo Charaf. L’intimité du concept nous donne aussi l’occasion d’échanger quelques mots avec le jeune musicien lyonnais. 

C’est un concert assez singulier auquel on assiste, avec la rencontre entre un public d’enfants et la douleur du blues que nous joue Théo Charaf. Mais il réussit néanmoins à trouver un bel équilibre. Sans altérer ses chansons, puissantes mais parfois très noires, il arrive à adapter le set à son public aux airs de sorties scolaires. Il nous avoue quand même que ce n’était pas un exercice très naturel pour lui : « Ça fait bizarre parce que je n’ai pas l’habitude. Donc c’est dur de capter l’attention d’un enfant qui est toujours émerveillé par la moindre lumière ou le moindre truc qui va le détourner de son attention initiale. Mais ça s’est plutôt bien passé. J’ai pris le parti de parler un peu de bottleneck, du principe de résilience, avec leurs mots autant que possible. Et j’ai quand même réussi à jouer Going down [une composition de son nouvel album] ! Mais je me suis dit “putain, j’espère qu’ils ne parlent pas anglais.” Tu sais les paroles c’est : “une chose bien à propos de l’humanité c’est qu’elle ne laissera personne derrière…” »

Dans ce concert sous le signe de la rencontre, on admire aussi bien sûr le carambolage entre des blues écrits il y a quasiment un siècle, un jeune musicien qui n’a pas encore trente ans mais porte déjà ces chansons avec lui, et les encore plus jeunes enfants qui l’écoutent. C’est une jolie image que de voir ces tout jeunes visages attentifs (quand ils se calment un peu) à ces sons composés par des hommes et des femmes à un océan de distance, dans des conditions radicalement différentes de nos vies actuelles. 

C’est en même temps l’occasion pour Théo de nous raconter sa propre rencontre avec le blues. Celle-ci se fait d’abord enfant avec la musique de ses parents, qui « écoutaient des trucs de hippies de l’époque, qui sont tous teintés de blues à fond. » Mais surtout plus tard, à travers Led Zeppelin et Ten Years After, puis Muddy Waters, et finalement avec la révélation de Skip James, dont il reprend d’ailleurs deux chansons dans son nouvel album : « Plus récemment, quand je devais avoir 19-20 ans je pense, il y a déjà huit ans donc… Devil got my woman de Skip James, c’est le truc qui m’a le plus renversé la tête. »

Et puis on le fait aussi parler sur la force du blues, qui le fait traverser les âges pour arriver à l’oreille d’enfants de 2021 : « Mais que ce soit à des gamins d’aujourd’hui, à des ménagères de 60 ans, à des black métalleux ou des petites meufs de l’électro, ça peut plaire à n’importe qui. [Cette force elle vient de] l’authenticité de la chose, je pense que ce n’est pas inhérent qu’au blues, je pense que c’est inhérent à l’expression qui vient du coeur. Ces trucs-là ont été créés avec un supplément d’âme incroyable, ça ne triche pas, c’est hyper vrai et forcément ça parle. Il y a la voix aussi, qui vient entrer en vibration dans les oreilles des gens, il y a ce truc qui est très humain. C’est vrai. »

À la fin de ce concert atypique, et après avoir pris un bon bain de blues acoustique, on ose quand même demander à Théo ce qu’il imagine pour la suite, pourquoi pas un peu plus de tension électrique ? « À fond ! Ça me manque cette énergie un peu tellurique de l’électrique, le pfff [il imite une masse de son sortant d’un énorme ampli]. Là on a déjà réintroduit un morceau à l’électrique à la fin de l’album, c’est un Skip James d’ailleurs, Hard time killing floor blues. On le joue de temps en temps en clôture de live. Mais ce n’est pas assez. À l’instar de mon demi-dieu, enfin dieu tout court, Neil Young, j’aimerais bien débuter un concert en folk avant d’envoyer du mégagros buzz. Ou l’inverse. [Et plus globalement], pérenniser l’expression et puis créer un groupe, ce serait classe. À bon entendeur ! »

Texte et photos couleur : Ami Appert

Ami Appertl’AéronefTheo Charaf