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Live reports / 07.06.2024

Tutu Puoane, Le Son de la Terre, Paris, 2024

31 mai 2024.

Figure de la scène jazz belge depuis une vingtaine d’année, la chanteuse d’origine sud-africaine Tutu Puoane, responsable de plusieurs albums sous son nom et en collaboration avec différents musiciens et orchestres locaux, était jusqu’ici passée inaperçue du public français.

Sa participation, sur scène et sur disque, au collectif Black Lives a attiré l’attention sur sa musique, et la sortie en mars dernier de l’album “Wrapped In Rhythm” est venue renforcer cet intérêt, qui se concrétise dans ce premier concert parisien sous son nom, qui se tient dans la salle très cosy du Son de la Terre, une péniche amarrée à quelques pas de Notre-Dame – la chanteuse notera d’ailleurs que c’est la première fois qu’elle se produit sur un bateau… 

Pour ce récital centré sur le répertoire de son nouveau disque, soit une mise en musique des poèmes de l’artiste sud-africaine Lebogang Mashile, Tutu Puoane est accompagnée de ses musiciens réguliers, tous présents sur cet enregistrement : le pianiste Ewout Pierreux (avec qui elle est mariée), le bassiste Clemens van der Feen et le batteur Dré Pallemaerts, figure majeure de la scène jazz belge ayant enregistré en particulier avec Joe Lovano, Philip Catherine, Bill Carrothers, Yusef Lateef et les frères Belmondo. 

L’entrée en scène se fait sans grande cérémonie – il n’y a apparemment pas vraiment de coulisses – et la chanteuse commence par le premier morceau de l’album, Land of broken mirrors. Elle ne cache pas son plaisir à se produire pour la première fois sous son nom à Paris, d’autant que l’évènement coïncide avec son anniversaire ! L’ensemble du répertoire proposé ce soir est issu des poèmes de Lebogang Mashile, mis en musique par la chanteuse avec Ewout Pierreux, à l’exception d’un titre dont la musique est composée par Clemens van der Feen. Si une bonne partie des chansons sont issues de “Wrapped In Rhythm”, d’autres sont encore inédites, comme le très beau When we love, et devraient apparaître sur un volume deux enregistré avec le Metropole Orkest début 2025. 

La présence scénique de Puoane est discrète – d’autant qu’il lui arrive d’être obligée de s’appuyer pour résister aux mouvements de la péniche ! –, mais ses interprétations et son répertoire ne tardent pas à séduire un public qui n’est pas obligatoirement venu pour elle (la salle fait aussi office de restaurant). Même s’il arrive qu’elle évoque Myriam Makeba – en particulier quand elle chante brièvement en xhosa, la langue parlée en particulier dans la province du Cap-Oriental, avec ses clics caractéristiques –, Puoane présente, comme sur le disque, son univers propre, dépourvu de clichés et de références trop marquées. Elle est bien aidée dans sa tâche par son trio, à la grande cohésion, qui fait tout pour mettre en valeur son chant. Sur quelques titres, dont le magnifique Together, elle partage d’ailleurs le chant avec son pianiste. Faute de coulisses pour disparaître après le set principal, il n’y a pas vraiment de rappel, mais l’enthousiasme du public convainc la chanteuse de terminer avec un des plus beaux titres du disque, From the outside in, auquel elle s’identifie visiblement.

Au vu de la qualité de la musique jouée ce soir, il est possible d’imaginer que cette première visite de Tutu Puoane sur une scène française soit loin d’être la dernière. 

Texte : Frédéric Adrian
Photo © Joe Farmer/RFI

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