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Live reports / 16.01.2023

TSF You & the Night & the Music 2022, Salle Pleyel, Paris

12 décembre 2022.

La fin de l’année, c’est traditionnellement celle des palmarès et des rétrospectives, et depuis une vingtaine d’années la radio TSF Jazz a trouvé le meilleur format pour présenter sa sélection subjective du meilleur de l’année écoulée,  un “Roman du Jazz” signé par Laurent Sapir (accessible sur le site de la radio) décliné sur scène au cours d’une soirée à rallonge – près de trois heures trente de musique ! – avec cette année 18 groupes et musiciens qui se succèdent pour un ou deux morceaux chacun ! 

Comme chaque année, la sélection mêle vedettes et découvertes et se programme allègrement dans les différentes nuances du jazz, du classicisme dépoussiéré des Kansas Smitty’s du clarinettiste Giacomo Smith aux explorations originales de la batteuse Anne Pacéo, qui met en avant les voix d’Isabel Sörling et de Cynthia Abraham

Même si Jon Cleary, annoncé, a dû annuler sa participation pour cause de problèmes de passeport, les musiques chères au cœur de Soul Bag sont largement représentées, en particulier avec l’invité d’honneur Jean-Jacques Milteau dont le Rainy night in Georgia, chanté par Carlton Moody, a un goût de trop peu. La chanteuse galloise Judith Owen, basée à La Nouvelle-Orléans, cultive volontiers la ressemblance avec Jessica Rabbit, mais son Why don’t you do right, avec l’accompagnement de l’Amazing Keystone Big Band (qui assure une fois de plus le rôle d’orchestre de cérémonie) renforcé de Dave Blekhorn à la guitare et de l’immense David Torkanowsky au piano, doit plus à Julie London qu’à Lil Green – ce qui a son propre charme.

Robin McKelle, de son côté, a complètement mis la soul de côté et présente un titre de son prochain album, un hommage à Ella Fitzgerald, dont elle adopte de façon bluffante les maniérismes, même si le résultat peine à dépasser le stade de l’imitation. China Moses, habituée de l’évènement comme de la radio où elle anime une émission régulière, présente également une chanson (prometteuse) d’un disque à venir – encore sans date – dans un registre entre jazz et soul contemporaine avec un groupe de jeunes musiciens anglais parmi lesquels la saxophoniste Camilla George (qui aurait bien mérité un passage solo, vu la réussite de son album “Ibio​-​Ibio”).

Le format bref de chaque passage est évidemment une contrainte. Si le trompettiste Ludovic Louis (vu sur la même scène l’année dernière avec le Big in Jazz Collective) réussit malgré tout à emporter le public dans son jazz funk nourri d’influences caribéennes, l’hommage à Dr. John de Matthis Pascaud et Hugh Coltman fait un peu figure d’apparition spectrale dans le programme et aurait sans doute eu besoin de plus de temps – ou du choix d’un autre titre – pour s’installer. Laurent Bardainne et son Tigre d’Eau Douce n’a pas la même difficulté, d’autant que la présence en invité spécial du chanteur Bertrand Belin lui permet d’interpréter son “tube” Oiseau

Dans des registres un peu plus éloignés des centres d’intérêt principaux de ce journal, le guitariste Louis Matute, bien entouré, confirme la bonne impression faite par son album “Our Folklore”, tandis que le saxophoniste Eli Degibri n’a besoin que de quelques notes pour faire comprendre pourquoi Al Foster et Herbie Hancock ont fait appel à ses services. Habitué à des formats plus restreints, le pianiste Laurent Coulondre se montre aussi à l’aise en plus grande compagnie, tandis qu’Avishai Cohen, qui retrouve le format trio, continue à creuser son sillon, encadré de jeunes musiciens qui n’hésitent pas à le bousculer. 

Le chanteur et pianiste britannique Anthony Strong s’oublie à peine finie sa prestation, mais Yuri Buenaventura, discret depuis plusieurs années, reprend volontiers son rôle de passeur de la salsa à destination d’un public français qui le retrouve avec plaisir, d’autant qu’il est accompagné pour l’occasion par le trio du pianiste cubain Roberto Fonseca, un habitué de l’évènement. C’est d’ailleurs à celui-ci qu’il appartient de clôturer la soirée, avec ses musiciens et ceux de l’Amazing Keystone Big Band, avec une efficacité telle qu’il parvient même à faire lever, après plus de trois heures de musique, le public plutôt réservé de la salle Pleyel ! Une conclusion en fanfare, donc, pour une soirée réellement devenue une évidence de la scène jazz française.

Texte : Frédéric Adrian

Frédéric AdrianSalle PleyelTSF