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Brèves / 05.01.2015

Triste Noël…

Ce n’est jamais agréable d’évoquer de tels événements, et ça l’est sans doute encore moins en début d’année (nous avons d’ailleurs préféré ne pas le faire durant les fêtes), mais deux artistes représentatifs de deux grandes ville du blues, Détroit et Chicago, ont choisi le jour de Noël pour tirer leur révérence…
– Il s’agit d’abord d’Alberta Adams, décédée le 25 décembre 2014 à l’âge fort respectable de quatre-vingt-dix-sept ans. Née Roberta Louise Osborne le 26 juillet 1917, elle grandit toutefois à Détroit chez une tante, où elle débute dans les années 1930 comme danseuse de claquettes puis chanteuse, obtenant un engagement au B & C. Durant la décennie suivante, elle se produit régulièrement dans les clubs de la Motor City (en particulier sur Hastings Street) et finit par être remarquée par les frères Chess. Elle enregistre pour la première fois pour la célèbre marque de Chicago dans le groupe de Red Saunders, pour le label Savoy aux côtés du T. J. Fowler Band, et fait partie des Bluesettes de Tiny Bradshaw. Sa réputation lui vaut aussi de tourner avec des artistes à la fois de blues et de jazz, dont Duke Ellington, Louis Jordan, Wynonie Harris, Eddie « Cleanhead » Vinson et T-Bone Walker.

Elle devra toutefois attendre d’avoir quatre-vingts ans pour réaliser ses premières faces sous son nom, quatre titres sur l’anthologie « Blues Across America: The Detroit Scene » (Cannonball, 1997), sur lequels elle est accompagnée des Blues Insurgents de Johnnie Bassett. Et deux ans plus tard, pour la même marque (et avec Bassett…), elle signe son premier album complet, « Born With The Blues », classé parmi les vingt-cinq meilleurs de l’année par Living Blues. Trois autres suivront, dont le dernier en 2008, naturellement intitulé « Detroit Is My Home ». En 2006, à 89 ans, Alberta Adams sera même récompensée d’un Detroit Music Award dans la catégorie Outstanding Blues/R&B Recording pour son EP « Detroit’s Queen Of The Blues ». Elle continuera de se produire épisodiquement dans ses dernières années malgré une santé déclinante due à son âge. Mais quelle carrière pour cette chanteuse, débutée durant l’entre-deux-guerres !


En 2007 à Chicago. © : Brigitte Charvolin

– Direction Chicago pour un autre bluesman parti le 25 décembre, qui n’est autre que le chanteur et guitariste James Wheeler, qui avait soixante-dix-sept ans. Né le 28 août 1937 à Albany en Géorgie. Contrairement à  ce que l’on pourrait croire, ce futur pilier du blues de la Windy City s’intéresse d’abord au big bands de jazz et ne joue d’aucun instrument quand il s’installe en 1956 dans la ville, où il rejoint son frère aîné Golden « Big » Wheeler (1929-1998). Ce dernier, chanteur et harmoniciste, qui fréquente Chicago depuis une dizaine d’années, va évidemment l’introduire dans le milieu du blues et James se met peu après à la guitare. Il prend confiance et finit par jouer assidûment, notamment au club Arden avec Billy Boy Arnold au début des années 1960. Il décide de lancer son propre groupe en 1963, les Jaguars (à l’époque, Wheeler ne chante pas, c’est son bassiste Johnny Howard qui s’en charge), et sa carrière commence vraiment quand il remplace Syl Johnson au Just Me Lounge.


En 2007 à Chicago. © : Brigitte Charvolin

Les portes de nombreux autres clubs de la ville s’ouvrent et la formation joue derrière des artistes de la stature de B.B. King, Millie Jackson, O. V. Wright et Otis Clay. Et justement, quand les Jaguars se séparent en 1972, Clay lui demande de former son groupe pour les tournées, une aventure qui se prolonge jusqu’en 1975. Sans se retirer complètement, Wheeler est moins actif la décennie suivante et réapparaît en 1986. Cette année-là, il reçoit un appel d’Otis Rush qui recherche un guitariste pour l’accompagner au Kingston Mines ; Wheeler accepte la proposition tout en précisant : « OK, juste pour ce week-end. » Leur collaboration durera en fait sept ans ! Durant cette période, Rush incite aussi Wheeler à chanter, le laissant intervenir dans ce registre lors de ses concerts. Après avoir quitté Rush en 1993, Wheeler n’a aucun mal à trouver des engagements au sein des meilleurs groupes de Chicago. On le retrouve ainsi sur trois albums de Mississippi Heat, ou bien aux côtés de Magic Slim et de Willie Kent. Il n’a réalisé que deux albums sous son nom, tous deux chez Delmark, « Ready » (1998, avec son frère) et « Can’t Take It » (2000), mais ils illustrent le talent de ce bluesman discret et exemplaire, dont le jeu de guitare fin et expressif aura compté dans l’histoire du blues de Chicago depuis les années 1970.

– Puisque nous en sommes aux nécrologies, sans lien cette fois avec Détroit ni Chicago, autant rendre également hommage ici à un artiste disparu peu avant Noël, le 23 décembre exactement. Il s’agit du chanteur de R&B Jo Jo Benson, qui s’est éteint à l’âge de soixante-seize ans. De son vrai nom Joseph M. Howell, il voit le jour le 15 avril 1938 à Phenix City en Alabama et chante localement dès son adolescence. Après avoir accompagné Chuck Willis au début des années 1960, il forme un duo avec la vocaliste Peggy Scott. Leurs deux titres inauguraux enregistrés en 1968, Lover's holiday et Pickin' wild mountain berries, ont un certain succès : ils atteignent la huitième place des charts R&B, le premier étant disque d’or et le second nominé aux Grammy Awards. Ils réalisent également deux albums en 1968 et 1969 puis se séparent deux ans plus tard. Benson se consacre alors davantage à la gestion de clubs, puis il réapparaît bien plus tard, le temps de deux diques en solo, « Reminiscing In The Jam Zone » (1999) et « Everybody Loves To Cha Cha Cha » (2001).
Daniel Léon