;
Live reports / 12.01.2022

Thomas Naïm, Duc des Lombards, Paris

7 janvier 2022.

Comme celles de Miles Davis, Robert Johnson ou James Brown, il est impossible de faire le tour de l’œuvre de Jimi Hendrix. En 2020, le guitariste Thomas Naïm proposait son propre regard sur sa musique avec l’album “Sounds of Jimi”, bien accueilli dans les pages de Soul Bag, et c’est le répertoire de ce disque qu’il venait décliner en petit comité sur la scène du Duc des Lombards – plein à craquer les deux soirs – avec son trio (le contrebassiste Mathias Allamane, le batteur Raphaël Chassin) et deux des invités de l’album : l’organiste tout terrain Camille Bazbaz et le chanteur Hugh Coltman – sans doute le “special guest” préféré de la scène jazz française ! 

Loin des concours de vélocité comme des déconstructions un peu trop malignes pour être honnêtes, c’est une relecture tout à fait personnelle du répertoire d’Hendrix, reposant sur les compositions de celui-ci, que propose Thomas Naïm. S’il revendique, parmi d’autres, l’influence hendrixienne, c’est plutôt dans une école jazz marquée par des instrumentistes comme Grant Green, Wes Montgomery ou George Benson que se situe le jeu de Naïm, ce qui le prémunit contre la tentation héroïque à laquelle cèdent nombre de guitaristes lorsqu’il s’agit de s’inspirer du génial gaucher de Seattle.

C’est donc en douceur que commence le concert avec un Purple haze décontracté, joué en quartet avec l’orgue très pertinent de Camille Bazbaz. Plus que sur les effets spectaculaires de l’original, c’est sur la puissance de la composition elle-même que se repose Naïm et ses musiciens, avec une version instrumentale prise sur un tempo ralenti et assoupli – fantastique travail de la section rythmique ! Fire est pris dans le même esprit décontracté dans la foulée, suivi par The wind cries Mary. Le répertoire s’éloigne ensuite des évidences avec Cherokee mist, un morceau resté inachevé au décès de Hendrix et pour lequel Naïm s’inspire d’une des versions publiées à titre posthume. Hugh Coltman rejoint ensuite l’ensemble pour une élégante lecture de Castle made of sand qui rappelle combien les mots d’Hendrix sont aussi remarquables que sa musique. Coltman est de retour quelques minutes plus tard pour s’attaquer à un monument, Voodoo child, traité en mode blues et attaqué en guitare-voix, avant que la rythmique ne rejoigne tout en douceur la chanson. 

Le public, un peu passif, se réveille enfin quand Naïm accélère le tempo pour un Foxy lady enlevé sous influence funk, tandis que Coltman est de retour à l’harmonica pour un final sur un autre titre tardif, Lover man, ici réinventé en mode country. Pas de rappel, étrangement, mais une belle soirée pour saluer sans clichés une des œuvres majeures de la musique populaire du XXe siècle grâce à un musicien qui parvient, sans abdiquer sa personnalité artistique, à donner une lecture originale d’un répertoire pourtant bien connu. 

Texte : Frédéric Adrian
Photo © DR

Duc des LombardsFrédéric AdrianThomas Naïm