Nice Jazz Fest 2025
15.08.2025
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7 juin 2025.
Quelques mois à peine après une première tournée à succès, les Altons et Thee Sinseers étaient de retour pour une tournée commune sous la bannière “Club Heartache”, un titre approprié pour le style de “sweet soul” pratiqué par les deux groupes rattachés au label Penrose. À défaut de nouvelle date parisienne, l’enthousiasme de mon camarade Julien D. suite au concert du New Morning (lire le compte rendu) suffit à me persuader de traverser la moitié de l’Île-de-France pour aller les entendre à la Clef, petite salle accueillante de Saint-Germain-en-Laye à la programmation qualitative – Hannah Williams y est d’ores et déjà annoncée avec ses Affirmations en septembre.
Malgré le positionnement de la date en plein milieu d’un week-end prolongé, le lieu est bien rempli, même si une bonne partie du public ne semble pas familier de ce qu’il est venu écouter : une seule main se lève quand Joey Quiñones demande qui a déjà vu Thee Sinseers en concert, et elles ne sont pas beaucoup plus nombreuses quand il pose la question de savoir qui connaît le groupe !
Qu’importe, finalement, tant l’ensemble emporte rapidement l’adhésion : emmené par Quiñones au chant et à la trompette occasionnelle, le groupe au grand complet (Adriana Flores au chant, Christopher Manjarrez à la basse, Francisco Flores et Bryan Ponce à la guitare, Luis Carpio à la batterie, Eric Johnson et Steve Surman aux saxophones, Jose Luis Jimenez au trombone et Christian Meraz aux claviers) fait forte impression dès les premiers morceaux et n’a aucune difficulté à séduire le public. Même si l’esthétique musicale est différente, impossible pour l’amateur d’un certain âge de ne pas avoir une pensée pour les premières venues européennes, il y a maintenant une vingtaine d’années, de Sharon Jones avec les Dap-Kings…
Sans surprise, le répertoire puise largement dans l’album “Sinseerly Yours”, paru en 2024, ainsi que dans les différents singles du groupe, auxquels s’ajoute une reprise très réussie du When the lights are low des Paragons. Avec dix musiciens sur scène, Thee Sinseers n’ont aucune difficulté à reproduire sur scène les arrangements originaux du disque – les deux saxophonistes passent à la flûte pour It’s such a shame, par exemple –, et Joey Quiñones partage volontiers le micro avec ses collègues : Adriana Flores pour It’s a shame, Steve Surman pour son propre Right girl, wrong time (publié sous le nom de Stevie Fontaine), Bryan Ponce pour Give it up you fool. Mais c’est bien lui qui est au centre de l’attention. Actif sur la scène de Los Angeles depuis le début des années 2010 et impliqué dans différents groupes et projets sans y être toujours au premier plan, il se révèle être un chanteur et un “frontman” très convaincant, cultivant habilement la relation avec le public. Si la sweet soul qui a fait la réputation du groupe est évidemment au cœur du show, avec des morceaux comme Can’t call me baby ou Seems like, quelques titres viennent introduire une rupture de ton comme le très beau blues Love me like you used to, paru en 2022 sur un single solo de Quiñones. Quand arrive le final, au bout d’une petite heure, c’est un sentiment de “trop peu” qui domine…
Heureusement, la soirée n’est pas finie et, après une courte pause, c’est au tour des Altons de rejoindre la scène. Choriste avec Thee Sinseers, Adriana Flores occupe cette fois-ci le centre de la scène aux côtés de Bryan Ponce qui partage le chant avec lui, accompagnés de la rythmique qui associe la batteuse Caitlin Moss et le bassiste Chris Manjarrez complétés à nouveau par Joey Quiñones, cette fois-ci à la guitare, et Christian Meraz.
Là aussi, c’est le répertoire du dernier album du groupe, “Heartache In Room 14”, paru en février dernier, qui constitue le cœur du programme, avec quelques titres publiés en single ou sur l’album précédent, comme Darling girl. Difficile cependant de succéder à Thee Sinseers – l’ordre de passage était inverse lors de la tournée précédente –, tant l’énergie est différente, indépendamment de l’incontestable qualité de la prestation, et, malgré quelques beaux passages – un petit break dub dans Tangled up in blue, quelques mesures de Angel baby de Rosie & The Original… –, un certain sentiment de répétition se fait sentir, que même l’arrivée de deux des cuivres de Thee Sinseers ne suffit pas tout à fait à dissiper.
Cela n’empêche pas le groupe de recevoir un rappel mérité, avec l’excellent Over and over, et c’est une salle enthousiaste qui pose à la fin de la soirée avec les membres des deux groupes pour la traditionnelle photo d’après concert.
Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © Hervé Ramboz