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Live reports / 06.02.2023

The Staples Jr. Singers, La Maroquinerie, Paris

30 janvier 2023.

Après trois années d’absence bien involontaire, les Nuits de l’Alligator sont de retour, avec un programme particulièrement riche comprenant de nombreuses propositions rares sur les scènes françaises, voire totalement inédites ! Parmi celles-ci figurent les Staples Jr. Singers, dont la réédition l’an dernier de l’album unique, paru à l’origine en 1975, avait créé un intérêt dépassant la petite communauté des amateurs de gospel. 

S’il y a quelque chose d’un peu agaçant de voir le groupe bénéficier sur la foi d’un seul disque d’une telle “hype” qui lui permet de s’offrir une belle tournée alors que tant d’artistes majeurs n’ont jamais eu l’occasion de se produire par chez nous, il serait dommage de bouder cette opportunité de les entendre en direct, et la Maroquinerie est bien remplie pour les accueillir. 

Les contraintes de la vraie vie me font rater une bonne partie du set d’ouverture assuré par Cory Seznec en duo avec le guitariste et mandoliniste Daniel Mizrahi, dans le registre folk de son dernier disque. Même pris en cours de route, le résultat ne manque pas de charme, même si j’accroche significativement moins à ses titres en français.

Daniel Mizrahi, Cory Seznec

Le temps d’un court entracte et d’une courte présentation de l’histoire du groupe par une représentante du label Luaka Bop, et les musiciens rejoignent la scène. Comme sur le disque, A.R.C. Brown est à la guitare, accompagné par un trio familial – le mari d’Annie également à la guitare, son fils à la basse, un membre de la famille non identifié à la batterie. C’est Edward Brown qui assure les fonctions de chanteur principal, et il prend le devant de la scène dès le début du concert, pendant que son frère et sa sœur restent assis, pour interpréter un des titres phares de leur unique album, I feel good, suivi de la chanson titre, When do we get paid

Edward Brown

Avec son approche directe et son chant qui évoque par moments Solomon Burke, il n’a aucun mal à conquérir le public, mais l’intensité monte d’un cran quand Annie se lance dans un long sermon avant de se lever pour attaquer le magnifique Lord, you’ve been good to me sur lequel elle cherche à faire participer les spectateurs et finit par partager le micro avec quelques audacieux. Le peu d’expérience du groupe, qui ne tourne sur le circuit séculier que depuis quelques mois, est évident, et particulièrement son manque d’habitude du public non anglophone, mais n’empêche pas la connexion entre les chanteurs et les spectateurs de se faire, même si une bonne partie de la salle semble décontenancée quand le mari d’Annie se lève pour dire une prière. 

Edward Brown, Annie Caldwell Brown

Si l’accent est évidemment sur les chanteurs, A.R.C. et les musiciens assurent à l’ensemble un soutien propulsif, visiblement nourri au son blues du Mississippi, sans fioritures excessives – l’esprit de R.L. Burnside n’est pas loin – mais en écoute permanente et en réaction aux improvisations libres des chanteurs. Après I’m looking for a man, porté par Edward, c’est à nouveau au tour d’Annie de se lancer dans un long “testimony” – pas évident à suivre ! – qui évoque notamment les problèmes de santé de sa mère et la guérison miraculeuse de celle-ci, avant de se lancer dans un vibrant Answer me dear Jesus.

Edward Brown
Annie Caldwell Brown

Edward reprend ensuite le micro pour un Going to the city à rallonge qui se révèle être le dernier morceau avant un bref rappel – assuré sans Annie – sur Too close to heaven. L’ensemble n’a duré qu’une petite heure – et sept chansons, tout compris –, mais l’intensité était au rendez-vous et il est plus que compréhensible que le groupe se ménage quelque peu à l’aube d’une copieuse tournée d’autant que les chanteurs donnent tout dans leurs interprétations. Une tournée d’été est déjà annoncée, espérons que les festivals français ne feront pas l’impasse. 

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Wilfried-Antoine Desveaux

Frédéric Adrianlive reportWilfried-Antoine Desveaux