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Live reports / 02.03.2018

The Excitements + Hannah Williams & the Affirmations

Il y a des tournées qu’il ne faut pas manquer, comme l’exceptionnel plateau This Is Soul qui réunissait pour une grosse dizaine de dates en France deux des meilleures formations de soul-funk contemporaines : les Barcelonais de The Excitements, emmenés par la charismatique Koko Jean Davis, et les Anglais d’Hannah Williams & The Affirmations, encore auréolés de leur récente nomination aux Grammys. Chaque orchestre avait fait le déplacement au grand-complet (15 musiciens en tout !), une munificence à laquelle nous ne sommes plus habitués en ces temps de vaches maigres pour l’industrie musicale. Et si la neige et le chaos ferrovio-routier du 6 février ne nous ont pas permis de couvrir le show du New Morning (qui fut, paraît-il, brûlant), il était hors de question que nous loupions le concert qui se tenait trois jours plus tard à Brie Comte Robert, dans la sympathique salle du Safran (accueil convivial, personnel agréable et chaleureux, consommations vendues à des prix raisonnables).

 


Koko Jean Davis (The Excitements)

 

Malgré des conditions difficiles (balance déséquilibrée – l’ingé-son avait oublié de monter le volume façade des micro-chants, contraignant le groupe à redémarrer leur entrée en scène !), les Excitements délivrèrent une prestation à la hauteur de leur réputation : de la soul vintage interprétée avec passion, classe et efficacité. Le set fit la part belle au dernier album (“Breaking The Rule”, 4 étoiles dans notre n° 224) : Back to Memphis en ouverture, The mojo train, Wild dog, Breaking the rule… Soit un mélange de titres pris pied au plancher, tous cuivres dehors, et de ballades soul à la dramaturgie bien assumée. Mention spéciale à la complémentarité des deux guitaristes rythmiques (ils n’ont pas de clavier ; Adria Gual à la pompe et Albert Greenlight en accords brisés pris en milieu de manche), à leur nouvelle batteuse Gloria Maurel, dont la souplesse de jeu et le sourire constant illuminaient tout l’orchestre, ainsi qu’à la tornade Koko Jean Davis, qui ne ménagea pas ses efforts pour faire monter la température : vocaux enflammés, jeu de scène acrobatique, appels aux hand-claps ou à la danse, adresses culottées au public, particulièrement amorphe au début du concert (« Is it Saturday night or what ?! », « You people back there, I don’t even understand while you’re still sitting ! »), interjections en français pour briser la barrière de la langue ; une vraie tigresse ! Ils quittent les planches après 1h15 d’un set dense et concis, sous les vivats d’une audience enfin conquise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le niveau monte d’un cran avec Hannah Williams, que nous avions hâte de revoir après leur mémorable prestation à l’Alimentation Générale de janvier 2017. Le succès de leur CD (“Late Nights & Heartbreak”, Le Pied dans notre n° 225), la visibilité dont ils bénéficient depuis que Jay-Z a samplé l’un de leurs titres (4:44) et les tournées incessantes qu’ils mènent depuis (Europe, Japon…) ont démultiplié leur potentiel scénique ; clairement, le groupe a changé de division. James Graham, impérial aux claviers (chorus d’anthologie sur 7 am to Seville et Dazed and confused), a gagné en assurance ; le bassiste Adam Newton, déjà impressionnant en janvier, a encore peaufiné son approche mélodique (il joue souvent en bas du manche) ; le batteur Jai W Jones, monstre de technique, drive le groupe avec une autorité naturelle que nous ne lui connaissions pas.

 


Hannah Williams & the Affirmartions

 

 

 

 

C’est donc à un show de très haut niveau auquel nous avons assisté, en dépit de conditions adverses là aussi (le set commença sans retours voix ; ils durent reprendre à trois reprises Late nights tant les retours étaient saturés de basses – mais ils prirent cela avec recul et humour, ce qui ne fit qu’accroître la connivence avec le public ; Adam Newton grippé et Hannah Williams souffrant d’une laryngite carabinée…). Et pourtant, les principaux titres du CD passèrent comme une lettre à la poste tant les musiciens firent preuve d’engagement et de professionnalisme (de franche camaraderie aussi) : les entraînants Woman got soul et Ain’t enough ; la revendicative Fighting your shadow ; l’instrumentale 7am to Seville. Ont été incluses quelques nouveautés, dont la funky Freedom et un déchirant blues final dont on souhaite qu’il fasse partie du prochain CD. Soutenue par les contrechants subtils de Victoria Klewin, Hannah Williams, parfaite en meneuse de revue charismatique, semble-elle aussi avoir encore progressé, mixant puissance, émotion, agilité rythmique et rigueur mélodique (les interludes a cappella donnent toujours autant le frisson). Les Affirmations quittent la scène après 1h30 de show, sous les acclamations de spectateurs ayant visiblement compris qu’ils venaient d’assister à un moment d’exception.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ulrick Parfum
Photos prise à Paul B à Massy © J-M Rock’n’Blues
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