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Chroniques / 30.07.2021

Summer of Soul

Nina Simone, B.B. King, Sly and the Family Stone, Abbey Lincoln, Max Roach, les 5th Dimension, Gladys Knight & the Pips, Stevie Wonder, Mahalia Jackson, les Staple Singers : pendant cinq soirées, entre le 29 juin et le 17 août 1969, le Mount Morris Park de Harlem a accueilli, sous le nom de Harlem Cultural Festival, l’élite de la musique afro-américaine (et environs) – une sixième et dernière soirée est dédiée à l’élection de Miss Harlem !

Souvent qualifié, de façon abusive, de “Black Woodstock”, l’événement est documenté par le producteur Hal Tulchin, qui pilote l’enregistrement de plus de quarante heures d’images, dont une partie apparaît, au fil des années, dans différents documentaires et dont de larges extraits – et en particulier les sets complets de Nina Simone et Sly & the Family Stone – ont longtemps circulé sur Internet… Au fil des années, plusieurs projets de documentaires autour du festival ont circulé, mais il a fallu attendre 2021 pour que l’un d’entre eux se concrétise avec ce film de près de deux heures signé par Questlove. Sorti en salles aux États-Unis début juillet, il est disponible depuis aujourd’hui en France sur la plateforme Disney+. 

D’une Nina Simone d’humeur incendiaire – et pas seulement au sens figuré – à un B.B. King au sommet de son art, d’un Stevie Wonder en pleine transition artistique à des Staple Singers inspirés, le contenu musical, tel qu’il est communiqué par les images, est d’une grande puissance, et culmine dans un duo impromptu entre Mavis Staples et Mahalia Jackson, tandis que différents extraits de discours de Jessie Jackson et de Tony Lawrence – le très oublié initiateur de l’événement – viennent illustrer la portée politique de l’ensemble. 

Hélas, Questlove, qui fait ici ses débuts de réalisateur, ne semble pas avoir tout à fait confiance dans les images dont il dispose. Là où Alan Elliott, le réalisateur du merveilleux “Amazing Grace” il y a deux ans, laissait parler le matériel incroyable dont il disposait sans y ajouter grand-chose d’autre que son art du montage expressif, le batteur des Roots se sent obligé d’ajouter une narration – l’histoire, globalement inexacte, des bandes disparues pendant cinquante ans –, des témoignages contemporains d’intérêt tout à fait discutable (Lin Michael Miranda, qui n’était pas né au moment de l’événement, pour évoquer les liens entre musiques latines et communauté afro-américaine) et quelques rappels historiques superflus (la jeunesse à Clarksdale de Pops Staples, par exemple). 

Ces différents éléments viennent interrompre les images des concerts proprement dits, au point qu’il n’y a pas une seule chanson qui soit présentée dans son intégralité ! Cela ne signifie pas que le résultat manque d’intérêt – les amateurs se réjouiront de voir quelques secondes Wayne Bennett avec le SCLC Operation Breadbasket Orchestra and Choir du saxophoniste Ben Branch ! –, mais, dans sa volonté de pédagogie et de mise en perspective, affadit cruellement ce qui aurait pu être un sommet de la musique filmée. Maintenant, si quelqu’un pouvait publier officiellement les concerts filmés… 

Frédéric Adrian

Summer of Soul (…Or, When the Revolution Could Not Be Televised)
Réalisé par Questlove, 2021, 1h58. Disponible sur Disney+.

Frédéric AdrianQuestlove