Bluescamp 2023 et 141e Blues Station
28.11.2023
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Après Jimmy Johnson l’an dernier à la même époque, la salle du Carcey sur la route de la station de La Féclaz accueille cette fois les Bluetones de l’harmoniciste Sugar Ray Norcia et du guitariste « Monster » Mike Welch. Le groupe affiche d’emblée et sans détour ses intentions avec un I’m having a ball à l’énergie effectivement communicative. Dès le deuxième titre, Hoodoo man blues, le tempo ralentit et permet de bien appréhender ce qui nous attend, un superbe concert de blues varié délivré par un groupe compact, talentueux et d’une rare cohésion. Bien entendu, les solistes se distinguent, que ce soit Norcia, expressif au chant et éclectique à l’harmonica, Welch et sa maturité désormais très affirmée à la guitare, et Anthony Geraci dont l’étendue du registre au piano doit à des collaborations passées avec B. B. King, Big Mama Thornton, Chuck Berry, Otis Rush, excusez du peu… Mais la formation ne combinerait pas aussi bien intensité et efficacité sans s’appuyer sur une rythmique de premier ordre, et Michael « Mudcat » Ward (basse) et Neil Gouvin (batterie) sont bien plus que des faire-valoir, souples et nuancés mais très présents et à la relance quand il le faut.
Les artistes nous rappellent également qu’ils disposent d’un répertoire personnel avec Rat trap et Here we go, deux titres extraits de leur dernier CD (« Living Tear To Tear ») et respectivement composés par Norcia et Welch. Après Someday someway, un bon vieux shuffle emprunté à Ronnie Earl (que Norcia accompagna avant qu’il ne rejoigne les rangs de Roomful of Blues), premier tour de force de la soirée avec Double trouble : si Welch n’est pas aussi bon chanteur que Norcia, il compense avec son jeu de guitare qui est une pure merveille, vibrant et brûlant avec un son bien à lui. Say you love me (before I hang up) et Money, marbles and chalk viennent conclure un premier set de très haute volée.
Les musiciens reviennent avec une inspiration intacte pour une deuxième partie encore plus variée et même débridée, une lecture à la Fast Domino de Story of my life succédant au plus classique Tell me what’s going on. Mais d’autres moments enthousiasmants nous attendent. Avec encore Welch à son avantage sur une autre reprise d’Otis Rush, Keep on loving me baby, et il est même plus convaincant au chant sur ce tempo plus enlevé. Arrêtons-nous également sur I dreamed last night, sur lequel Anthony Geraci revisite Otis Spann puis se lance dans une improvisation boogie-woogie avec une aisance déconcertante, et sur le beau blues lent Misery.
Le show se termine dans la bonne humeur, Norcia oscillant entre influences louisianaises (It’s my life, baby, là encore, Fats n’est pas loin…) et même country pour le rappel (Midnight clothes). Un concert définitivement réjouissant par une formation exemplaire, à découvrir absolument car elle s’inscrit parmi les plus accomplies de notre époque. Quant aux organisateurs de la soirée (la salle a fait le plein), on ne peut que les remercier et les encourager à poursuivre dans cette voie.
Textes : Daniel Léon
Photos : Stéphane D. Momot