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Live reports / 16.05.2009

SPRING BLUES FESTIVAL

Tout commence bien dans la province du Hainaut avec le combo local Jimson Weed : emmené par le chanteur et guitariste Patrick Louis, aidé par le pianiste André "Druss" Lecomte invité pour l’occasion (mais le point fort de la formation tient surtout au fait qu’aucun musicien n’en rajoute), il délivre une musique saine et moderne pour une entrée en matière efficace. Bob Hall lui succède au piano (All I got is you), rapidement rejoint par la chanteuse Hilary Blythe, au registre plus proche de la Cornouailles que du blues… Heureusement, ils s’effacent au profit d’un Fruteland Jackson qui s’approprie la scène sans attendre. Fin guitariste, chanteur puissant et impliqué, compositeur aux textes engagés, il débute avec Baby how long avant d’asséner a cappella une lecture proprement asséchante de Blues 2.0… Ainsi dépouillé, il exprime tout son magnétisme.


Bob Hall © Georges Lemaire


Fruteland Jackson © Georges Lemaire

Ancien bassiste d’illustres bluesmen de Chicago (dont Muddy Waters), Mac Arnold joue aujourd’hui de la guitare. Mais sa voix impressionnante constitue mon premier coup de cœur de cette édition : son timbre chaud et prenant, à la limite de la rupture, est une pure merveille. C’est aussi une bête de scène, et à la guitare, la technique laisse la place à l’énergie. Et quand il se met à la slide sur un instrument fabriqué autour d’un jerrycan d’essence usagé, ça devient carrément apocalyptique (Back to the country). Un concert magnifique, en outre équilibré, au sein duquel les reprises (Crosscut saw, If walls could talk) alternent avec des titres autobiographiques intéressants (Ghetto blues, Where I’ve been) qui permettent à Mac Arnold de décrire le parcours d’un bluesman de sa génération (il est né en 1942). Décidément, les grands vocalistes sont à l’honneur cette année. Car si James Harman est un remarquable harmoniciste, inventif et imprévisible (voir le superbe blues lent Big City woman), c’est un chanteur de blues de tout premier ordre qui déborde de feeling, et il importe de préciser ici qu’il n’est plus nécessaire d’avoir la peau noire pour appartenir à cette catégorie. Parmi les nombreux bons moments, outre un groupe cohérent avec un Gene Taylor impeccable au piano, on relève un Before you accuse me tranchant, une réelle complicité avec le guitariste sur The things that I used to do, deux titres sur lesquels le pianiste assure également les vocaux, et ce avec plus de vigueur qu’en début de concert. Il ne vaut pas Harman, mais celui-ci se met pourtant progressivement en retrait, et ses interventions, pourtant toujours brillantes, se font un peu rares à mon goût. Mais cela reste extrêmement consistant.


Mac Arnold © Georges Lemaire


James Harman © Jocelyn Richez

Je pensais que personne ne ferait mieux que Mac Arnold, et je me trompais. Car malgré leur nom ronflant, les Rhythm Room All-Stars emportent tout sur leur passage dès les premiers titres (Upside your head, Mister Coffee, Stop and think about it, tous avec Chris James au chant et un excellent Brian Fahey à la batterie). Mais l’arrivée de Big Pete Pearson va nous conduire à des sommets d’intensité et d’énergie, car à 72 ans, il a toujours ce timbre incroyable, pur et dur comme le diamant. Les perles s’enchaînent comme dans un rêve (Let me ride in your automobile, You broke my heart, Coming home), et sa version de Tin pan alley, avec Bob Corritore qui fait une démonstration à l’harmonica chromatique derrière sa coiffure bien lustrée, vient en apothéose. Et pour que la fête soit complète, les organisateurs ont le bon goût de porter un gâteau sur scène à l’attention de Chris James, dont c’est l’anniversaire.


Chris James & Bob Corritore © Georges Lemaire


Big Pete Pearson © Georges Lemaire

Déjà vu a son avantage aux côtés de Duke Robillard en mars dernier, Sugar Ray Norcia ne dépare pas dans cette arène qui fait la part belle aux chanteurs-harmonicistes. Showman naturel, chanteur inspiré et harmoniciste capable d'assimiler de nombreux styles, il se distingue par la variété de son répertoire, dans une ambiance tantôt enlevée (Rockin' sugar daddy), festive (Say you love me) ou encore bastringue (Feeling blue). Quant à "Monster" Mike Welch, il joue la carte de la sobriété à la guitare, nous gratifiant de solos bien sentis, courts et efficaces. Un concert réussi de plus.


"Monster" Mike Welch & Sugar Ray Norcia © Georges Lemaire

On attend impatiemment le retour de Joe Louis Walker après ses ennuis de santé. On le retrouve amaigri et en belle forme vocale, mais desservi par le son (trop de basse alors que c'est son vieux complice Henry Oden qui tient l'instrument) et un guitariste envahissant et vite insupportable (Linwood Taylor). Pour sa part, Joe ne joue pas de slide et part à l'aventure dans des chorus de guitare qui le mènent nulle part. Le registre est déroutant, très rock et joué à fond (I'm able to rock and roll all night long, Rollin' and tumblin' méconnaissable). Et quand il revient à ses titres plus anciens (One time around), le groupe doit composer avec une scène plongée dans le noir suite à une panne ! Quand rien ne va… Les choses iront un peu mieux à Vienne début juillet (voir ce compte-rendu), mais Joe Louis Walker est bien la déception de cette édition du festival belge. Pas suffisant pour faire oublier tous ceux qui l'ont précédé, à l'origine d'un cru 2009 qui restera d'une exceptionnelle qualité artistique.
Daniel Léon


Joe Louis Walker © Georges Lemaire