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Live reports / 23.05.2013

Spring Blues Festival

Cette  26e édition du Spring Blues Festival proposait un programme éclectique et alléchant. Pour commencer le trio acoustique de George Kilby Jr avec "Harmonica" Phil Wiggins et George Breakfast.  George Kilby est un excellent guitariste, doté d’une bonne voix dont le répertoire couvre un large spectre musical avec du blues, du bluegrass et de la country.


"Harmonica" Phil Wiggins (à gauche) et George Kilby Jr
 

Une osmose parfaite avec un Phil Wiggins très inspiré à l’harmonica et au chant, et un George Breakfast qui n’est pas en reste avec un soutien sans faille à la basse, et qui se montre très adroit à la mandoline…Un des temps forts de leur set sera un bel hommage à la Crescent City avec une version émouvante de  Do you know what it means to miss New Orleans. Du bel ouvrage.


Wiggins, Kilby et George Breakfast
 

Dans un tout autre genre, le groupe suédois T-Bear & the Dukes of Rhythm s’exprime dans le style rhythm and blues musclé. Ça va vite et ça joue à fond la caisse.


Torbjörn Tobert (T-Bear & the Dukes of Rhythm)
 

Le leader connaît les ficelles pour remuer les fans, mais cinq descentes dans le public du guitariste Torbjörn Soberg, ça lasse ! Une petite pause pour jouer un blues down home ? Désolé, ils n’ont pas ça en magasin. Dommage, mais soyons positifs, dans ce groupe il y avait un très bon organiste (Paul Wagnberg) que j’aurais aimé entendre un peu plus.


Paul Wagnberg (T-Bear & the Dukes of Rhythm)
 

Le groupe Jason Buie Band, ayant déclaré forfait pour une histoire de passeport, il est remplacé par la ravissante Shanna Waterstown. La chanteuse est bien connue des amateurs français puisqu’elle est établie à Paris depuis plusieurs années. Avec un répertoire nourri de classiques du blues et du rhythm and blues (Kansas city, Money, Hound dog, Little red rooster…) dont elle donne des interprétations de qualité, elle arrive à captiver son auditoire grâce à sa voix agréable et son dynamisme. Un reproche toutefois, elle force un peu trop sa voix et gagnerait à être moins "à l’arrache".


Shanna Waterstown
 

Place au régional de l’étape avec Renaud Patigny, l’un des meilleurs pianistes européens de boogie-woogie. Mais aujourd’hui, avec son Zanzibar Octette (orchestre à géométrie variable qui oscille du trio au quintette), il nous propose un projet qui repart à l’origine du blues, en Afrique, et remonte le temps pour aller revisiter le répertoire de Bessie Smith. (On peut trouver là quelques similitudes pédagogiques avec le projet de l’Heritage Blues Orchestra.)


Renaud Patigny
 

Renaud Patigny, omniprésent, insuffle le souffle et le rythme à une musique envoûtante, de plus il fort bien accompagné par ses percussionnistes africains (Octave Agbekpenou et Fidèle Affanou) et une section de cuivres riche de trois saxophones et un tuba.


Trois du Zanzibar Octet
 

Mais le vrai plus de ce show, c’est la présence au chant de Sylvie Nawasadio (une ex du groupe Zap Mama). Elle excelle dans le répertoire de Bessie Smith, elle sait se montrer émouvante dans les  thèmes graves, sensuelle et  affriolante dans les thèmes plus légers voire osés… Quel que soit le genre, sa voix fait merveille. Même si le public a semblé désorienté, il faut saluer comme il se doit cette réussite musicale qui sort des sentiers battus.


Sylvie Nawasadio
 

Après la légèreté, place au gros et au roboratif avec Smokin’ Joe Kubeck et Bnois King. Le premier nommé a joué notamment avec Albert et B.B. King et aussi Stevie Ray Vaughn. Il se montre très bon technicien, quoique trop bruyant et volubile à mon goût. Bnois King est un excellent chanteur et un guitariste émérite. Malheureusement son jeu de guitare réputé « jazzy et raffiné » semble s’être évaporé. Est-ce la faute à ce long compagnonnage avec Smokin’ Joe ? Quoi qu’il en soit ils ont fait un tabac.


Smokin' Joe Kubeck (à gauche) et Bnois King
 

Pendant les changements de plateau sous un chapiteau annexe une scène permettait d’écouter des groupes belges. Ils étaient au nombre de trois Moonlamb Project, The Thyle’s Band et Mr. D & the Backsliders. Ils ont bénéficié de l’attention d’un public nombreux et ont joué une musique de qualité. C’est une très bonne expérience à renouveler.

Preston Shannon, bien que né à Olive Branch dans le Mississippi, est l’un des représentants de l’école soul-blues de Memphis. Ses venues sont trop rares dans nos contrées pour ne pas être attentif à sa prestation. Son orchestre de six  musiciens (dont deux cuivres) dirigé par le guitariste Fat Harry, et dans lequel s’est glissé une légende de San Francisco, le bassiste Henry Oden, attaque par un instrumental purement « soul old school » de Memphis.


Preston Sannon
 

Preston Shannon ne perd pas de temps et nous met tout de suite dans le bain de cette soul sudiste où le blues est toujours présent.  Alternant tempos rapides et lents, il nous régale dans tous les titres  de solos de guitare finement ciselés, qui rappellent quelquefois la manière de jouer (toute proportion gardée) d’un Little Milton. Pour son répertoire, il va puiser principalement dans les quelques recueils qu’il a publié (à ma connaissance cinq CD depuis 1994). C’est aussi un showman accompli, très expressif, et qui sait bouger sur scène. L’orchestre carbure à la perfection, l’orgue Hammond et les cuivres apportant une sonorité plus  étoffée à la musique. Enfin tout est prêt pour le morceau de bravoure qu’est sa reprise de Purple rain. Tout y est, la voix aux intonations "princières", la guitare tranchante à souhait. Sous le chapiteau, comme dans les grandes messes de Prince, tout le monde reprend le refrain. Après ça, sa belle version de Born under a bad sign va presque passée inaperçue. Un set du tonnerre avec un artiste bluffant !


Preston Shannon
 

L’honneur de clore cette édition revient à Tom Rigney & Flambeau. C’est la deuxième fois que le violoniste californien participe au Spring Blues et sa première participation en 2008 n’avait laissé que de bons souvenirs. Tom Rigney est un excellent violoniste dont le centre d’intérêt musical se situe principalement en Louisiane. Beaucoup de titres sont pris sur des tempos très rapides et, derrière, il faut assurer sec.


Tom Rigney
 

Heureusement, ses quatre accompagnateurs –  à savoir Caroline Dahl (piano), Brent Rampone (batterie), Steve Parks (basse) et Danny Caron (guitare) – sont tous des musiciens d’exception et, pour assurer, ça assure. Nombre d’instrumentaux avec des joutes violon/piano et surtout violon/guitare. Un mot sur le guitariste Danny Caron : il est louisianais et a joué avec des gens aussi différents que Clifton Chenier et Charles Brown, il a fait partie du house band du Porretta Soul Festival…


Flambeau avec Tom Rigney et Danny Caron
 

Dans tous ces différents emplois, il s’est toujours montré excellent. Bref, c’est un show où l’on ne s’ennuie pas une minute. On retrouve des tubes comme Jambalaya, on reprend son souffle avec un magnifique The house of risin’ sun où Caroline Dahl se montre très convaincante  dans un belle intervention au piano. À noter aussi C’est la vie chanté par Tom Rigney ou Iko Iko repris par le bassiste Steve Parks qui a vraiment un beau timbre de voix. Mais le mot de la fin revient à Tom Rigney avec un flamboyant Orange blossom special. Magnifique conclusion pour cette belle édition riche en émotion. 


Caroline Dahl

Texte et photos : Alain Jacquet