Jammin’ Juan 2023
08.12.2023
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© Jacques Périn
Les Néerlandais du Little Boogie Boy Blues Band, habitués à travailler avec des bluesmen américains (Tail Dragger, Harmonica Shah…) ouvrent cette 25e édition du festival belge. Emmené par le chanteur et guitariste Hein "Little Boogie Boy" Meijer, les musiciens soudés nous mettent d'emblée dans une ambiance Chicago Blues pour accueillir un des maîtres actuels du genre (avec lequel ils ont également déjà collaboré), John Primer. Ce dernier prend sans attendre les choses à son compte avec Blind man blues puis Call me John Primer, un titre lent sur lequel il prouve qu'il fait bien partie des meilleurs à la slide. C'est du blues moderne d'excellente facture avec un Primer en outre bien en voix, efficace et sans temps mort avec de la variété dans les tempos (Sittin' and watchin', I'm a bluesman, Somebody have mercy, I feel like going home, Going back to Mississippi, I left that town…). Tout cela pourrait sembler classique, mais le leader trouve encore le moyen de faire la différence, d'apporter sa touche personnelle sous la forme d'un jeu de guitare original et inventif, avec une part importante laissée à l'improvisation. En tout cas, une belle entrée en matière.
John Primer
Le Texan originaire de l'Oklahoma Shawn Pittman prend ensuite le relais et revisite d'abord son dernier CD "Edge Of The World" avec Scent of your benjamins, un shuffle énergique sur lequel la rythmique apparaît un peu lourde, mais cela s'arrangera… Pittman s'implique vocalement et il sait faire beaucoup de choses à la guitare, mais il a tendance à en rajouter parfois un peu trop quand le rythme s'accélère (Too hot, Something's gotta give, This time, Let's blow this joint). En revanche, sur des blues lents, il sait faire preuve d'intensité et sa musique respire mieux (Fortune and fame, Movin' and groovin', That's the thing). Au bilan, on ne s'ennuie pas vraiment mais cela manque un peu de passion.
Shawn Pittman © Liliane Hobus
Dave Weld & The Imperial Flames devaient se produire avec un invité de luxe en la personne du grand saxophoniste Abb Locke, mais ce dernier n'a pu se déplacer pour raisons de santé. Disciple de Lil' Ed qu'il a longtemps accompagné, Weld ne convainc pas, d'autant qu'il est desservi au début par une sonorisation approximative avec une guitare peu audible et trop d'aigus, notamment sur la batterie et sur le micro du chanteur qui se trouve bien malgré lui "nanti" d'un timbre sifflant… En outre, il laisse à plusieurs reprises le chant à sa compagne Monica Myhre, dont la voix braillarde forcée à l'excès s'avère particulièrement irritante (les classiques Rock me baby et Killing floor, une torture). Dave Weld a beau se démener à la slide, s'offrir un bain de foule (Talk dirty to me) ou s'essayer à la ballade en demandant au public de participer (Sweet shiny brown eyes), rien n'y fait et son concert constitue la déception de cette édition.
Monica Myhre et Dave Weld
Détour par la Californie désormais avec Junior Watson et Andy Just, soutenus par une rythmique très souple et bien en place (petite batterie et contrebasse).
Junior Watson
Le premier nommé débute avec un Lonesome old feeling dynamique, sur lequel sa guitare incisive et son chant expressif (il dira pourtant plus tard ne pas se considérer comme un chanteur…) séduisent, Just apparaissant pour sa part percutant mais moins original à l'harmonica.
Junior Watson et Andy Just
Mais c'est le point de départ d'un spectacle de belle facture marqué du sceau de l'originalité, les musiciens n'hésitant pas à sortir des sentiers battus avec des incursions bienvenues vers le latino (Call everybody sweetheart, Chicago cha cha), voire vers le reggae (That's what you do to me). Bien entendu, le genre californien est à l'honneur avec du jump blues (If I had a genie, titre éponyme de son dernier CD, Whoopin' and hollerin') et des blues lents sur lesquels Watson étale tout son feeling à la guitare (Blues after hours). Un éclectisme qui se confirme quand il s'exprime seul avec beaucoup de goût sur l'exercice de style Chili bean. Un concert varié, toujours intéressant et par moments passionnant.
Junior Watson… vu de dos
À charge maintenant de Dwayne Dopsie & The Zydeco Hellraisers de finir en beauté. Effectivement portés par une énergie démoniaque, Dopsie et ses musiciens emportent tout sur leur passage et délivrent un set de zydeco survolté absolument enthousiasmant.
© Jacques Périn
Bien aidé par un frotteur aussi excitant et déjanté que lui et suivi par un groupe d'une efficacité remarquable (le bassiste, quel son !), le leader n'a aucun mal à embraser le chapiteau. Mais il ne faut pas se méprendre : si les morceaux s'enchaînent à toute vitesse en mettant l'accent sur le spectacle et la fête (et cette fois, le public participe), Dwayne Dopsie est un très bon chanteur au timbre légèrement grainé doublé d'un accordéoniste accompli capable d'une grande virtuosité.
Dwayne Dopsie
Et pour conclure cette 25e édition, le festival belge ne pouvait rêver plus belle apothéose… Souhaitons que ce prestigieux festival continue encore longtemps à se distinguer en programmant des artistes peu vus de ce côté de l’Atlantique et si profondément ancrés dans la tradition.
Texte Daniel Léon – Photos Corinne Préteur (sauf mention particulière)