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Live reports / 15.05.2010

SPRING BLUES FESTIVAL

Vingt-trois éditions déjà et Pierre Degeneffe ne baisse pas la garde. Comme toujours, il a su concocter une programmation équilibrée et qui, surtout, ne galvaude pas l’appellation "blues" comme en d’autres lieux…

Avec une précision horlogère, à 13 heures 30, le "master of ceremonies", André Hobus, annonçait Chicago Red, d’abord seul à la guitare dans un répertoire classique avant d’être rejoint par Chico & The Mojo, un groupe belge au diapason. Une introduction tout en nuances alors que le chapiteau se remplissait peu à peu.


Chicago Red © Michel Nicaise

Nous avions remarqué Ray Schinnery l’an dernier à Tremblay alors qu’il remplaçait Wendell Holmes au sein des Holmes Brothers (cf. SB 194). Il revenait cette fois sous ses propres couleurs, accompagné par Abdell Bouyousfi à la contrebasse et Pascal Delmas à la batterie (croisés à Tremblay alors qu’ils officiaient avec Rosebud Blue Sauce). Tout en simplicité et en efficacité, le trio nous offrit une belle tranche de blues. Mince, la "septantaine" grisonnante, Ray Schinnery mise tout sur la musique avec un jeu de guitare éloquent, souvent plus complexe qu’il n’y paraît, et un chant qui ne s’embarrasse pas de fioritures. La découverte du festival !


Ray Schinnery © George Lemaine

Le duo acoustique formé par l’harmoniciste Joe Filisko et le chanteur-guitariste Eric Noden évoque de prime abord un country blues tel que le pratiquaient Sonny Terry et Brownie McGhee ou, plus récemment, Cephas & Wiggins. Une influence bien présente dans le "train blues" I.C. Special. La voix rauque et abrasive de Noden donne aussi du relief aux reprises qu’ils s’approprient avec talent, comme How many more years (Howlin’ Wolf), Willie Mae (Big Bill Broonzy) ou Cut you loose (Guy/Wells).


Joe Filisko (à gauche) et Eric Noden © Pierre Degeneffe

Johnnie Bassett n’est pas un habitué des scènes européennes et c’est bien dommage car ce grand artiste compte parmi les tout meilleurs bluesmen actuellement en activité. Voilà, c’est dit !. Son jeu de guitare doit beaucoup à T-Bone Walker et à B.B. King, à qui il emprunte aussi la gestuelle, mais il possède un son bien à lui, élégant et expressif à la fois. C’est un bon chanteur au répertoire varié, alternant  standards (Drink muddy water, Georgia) et originaux (le "jordanien" Keep your hands off my baby en duo avec l’organiste, Cadillac blues ou le festif Party my blues away en rappel). Johnnie Bassett était accompagné par un trio de grande classe comprenant  Sheero Valdez aux drums, Keith Kaminsky alternant sax alto et ténor et Chris Codish à l’orgue, adepte des basses au pédalier. Incontestablement, le temps fort du festival.

 
Johnnie Bassett © Pierre Degeneffe

Partenaires durant plus de dix ans, le guitariste Mike Morgan et l’harmoniciste Lee McBee se retrouvent de temps à autre pour le plus grand plaisir de leurs fans de la première heure. Singulièrement à Ecaussinnes où ils avaient fait un malheur il y a 13 ans. Bien sûr, les années ont passé et ont laissé des traces, Lee McBee est marqué physiquement et sa voix n’a plus souplesse d’antan, mais c’est toujours un chanteur estimable et un harmoniciste inspiré. Soutenu par The Crawl, sa rythmique, le guitariste au bandeau sur l’œil n’a lui rien perdu de son mordant et reste une valeur sûre de blues rock texan.


Mike Morgan et Lee McBee © Pierre Degeneffe

Un Danois, a peu près inconnu et au prénom imprononçable figurait en deuxième position et en photo sur l’affiche. De quoi alimenter les conversations… et les inquiétudes. La chronique de son dernier album dans le dernier Soul Bag m’avait toutefois rassuré. Jeune et sûr de lui, Thorbjorn Risager attaqua avec un jump blues, très tonique. La suite allait montrer la polyvalence du groupe, tout aussi à l’aise dans le blues racinien (Baby please don’t go,  Let’s go down) que dans des titres plus contemporains. Chanteur convaincant,  au vocal affirmé et personnel, et guitariste sûr, Thorbjorn laisse de l’espace à ses musiciens qui le méritent bien, notamment l’autre guitariste ou le saxophoniste et le trompettiste aussi compétents ensemble qu’individuellement. Un très bon moment donc, avec un groupe hyper professionnel, mais sans véritable personnalité.


Thorbjorn Risager © Michel Nicaise

Au sommet de l'affiche, les Nighthawks. Ces vieux soutiers du circuit blues rock sont sur la brèche depuis 1972 ans et à la tête d’une discographie abondante, on peut les comparer  aux Fabulous Thunderbirds même s’ils n’ont pas bénéficié de la même popularité. Dans la formation actuelle, les vocaux sont partagés entre le bassiste Johnny Castle, le batteur Mark Stutso et l’harmoniciste tatoué Mark Wenner. C’est ce dernier qui se taille la part du lion, parce qu’il est le fondateur du groupe et surtout parce qu’il excelle dans l’exercice. A l’harmonica, il fait montre d’une belle technique, fruit d’une longue expérience et d’un sens aigu du public. D’une maigreur effrayante, le guitariste Paul Bell est lui aussi impressionnant de savoir-faire, avec un jeu aussi brillant en accord qu’en picking.


The Nighthawks (de g à dr: Paul Bell, Mark Wenner, Johnny Castle, Mark Stutso) © Pierre Degeneffe

Ils clôturaient une édition originale, variée et de bonne tenue dont on se souviendra surtout pour la révélation de Ray Schinnery et la prestation exceptionnelle de Johnnie Bassett.

Jacques Périn