Muddy Gurdy, Seven
10.09.2024
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Il faut commencer par dire que le titre inédit qui donne son nom à l’album et qui ouvre le disque ne révolutionnera pas votre vision du prêcheur légendaire. C’est un blues à la Son House, dont les paroles sont un patchwork de couplets qui apparaissent dans d’autres chansons. Le vers « Minutes seem like hours, hours seem like days », par exemple, est chanté à trois reprises, dans trois chansons différentes. Mais ça n’a aucune importance. Le titre inédit vise à attirer le chaland, le véritable trésor n’est pas là.
Imaginez-vous jeune homme, élève du petit Wabash College, dans la petite ville de Crawfordsville, dans l’Indiana. On est en novembre 1964, on vous dit qu’il va y avoir un concert, et vous y allez sans trop savoir ce que ce sera. C’est cette expérience que nous fait revivre cet enregistrement. La clarté du son est presque parfaite, on entend les doigts de Son House, ses lèvres qui collent parfois, ses raclements de gorge. C’est une expérience intime. L’homme s’ouvre complètement. Comme s’il écartait de ses doigts sa cage thoracique pour laisser ces jeunes étudiants blancs mieux examiner ses organes.
Sur Preaching blues, on entend le public rire quand House chante « I wanna be a Baptist preacher, so I won’t have to work ». On rigole moins quand il entame tranquillement Death letter blues. On l’a pourtant entendue une paire de fois celle-là. On en sort pourtant amoché, comme le narrateur de l’histoire qui s’accroche à l’oreiller de sa bien-aimée. Pris dans sa transe, regardant la mort dans les yeux, Eddie Son House arrive à produire des sons venus d’ailleurs. Dick Waterman, qui a enregistré ce concert, n’a pas menti : la puissance de Son House en tant qu’interprète semble ici atteindre son maximum.
Benoit Gautier
Note : ★★★★★ (Le Pied!)
Label : Record
Sortie : 18 mars 2022