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Live reports / 20.12.2017

SoBlues

Le festival SoBlues propose des animations et événements sur toute une semaine mais sa partie principale est resserrée sur trois jours, du jeudi au samedi. Le jeudi 30 à 18 h 30, j’ai l’honneur et le plaisir de donner une conférence sur le Blues du Nord au Sud dont l’illustration musicale est assurée par Little Tom et Jake. Thomas Allain et Jakez Rolland savent rendre vivant et abordable le blues du delta et son descendant de Chicago, en enchaînant les titres avec guitares acoustiques, harmonica, piano, guitares électriques, et empruntant aux répertoires de Robert Johnson, Big Bill Bronzy, Buddy Guy & Junior Wells, Buster Benton ou Elmore James. Le public apprécie et se retrouve tout chaud pour le premier concert de la grande scène avec Kévin Doublé et Éric C. De leur côté, l’instrumentation est acoustique uniquement mais cela ne les empêche pas de parcourir toute la diversité du blues, de Mississippi John Hurt à Muddy Waters, en passant par Little Brother Montgomery, Blind Blake, Blind Lemon Jefferson, Saint Louis Jimmy, Leadbelly, Jimmy Reed et même Hank Snow. Superbement chanté et joué à la guitare par Éric et à l’harmonica par Kévin, leur blues s’enrichit des percussions de Franck Thomelet, particulièrement synchronisé avec le jeu de main de Kévin sur Jack O’Diamond, et les moments de grâce abondent. Avec eux, présence scénique et simplicité font très bon ménage.

 


Little Tom et Jake

 


Kévin Doublé, Éric C

 


Kévin Doublé, Franck Thomelet, Éric C

 

Construit avec les conseils artistiques de Sebastian Danchin, le projet d’Éric Séva, “Body And Blues”, est l’attraction principale de la soirée. Selon les propres mots d’Éric, il s’agit plus d’une conversation entre le jazz et le blues que d’une fusion entre les deux genres. Le jazz d’Éric est en effet plus moderne que celui que pratiquait par exemple Count Basie, à une époque où jazz et blues se confondaient souvent. L’approche n’en est que plus intéressante, la relative opposition des styles mettant plus en valeur leurs qualités respectives. Avec Christophe Cravero aux claviers, Manu Galvin à la guitare, Christophe Walemme à la basse, Stéphane Huchard à la batterie, et lui-même au saxophone Baryton, Éric ouvre le concert par plusieurs thèmes, dont Monsieur Slide, dédié à Chris Rea, ou A gogo pour évoquer le zydeco, ce titre exposant pour la première fois la batterie de Stéphane Huchard. Il semble utiliser des pédales d’effet qui lui permettent de travailler le son de son saxophone. Et voici que Harrison Kennedy entre sur scène, avec banjo et harmonica. Dès qu’il se met à chanter, c’est un nouveau moment de grâce qui enveloppe la salle des Saulnières. No monopoly on hurt, coécrit par Harrison et Sebastian Danchin, Jolie Marie-Angelique, autre original, sont des odes blues au bon goût, malheureusement trop courtes, puisque Harrison Kennedy quitte la scène aussitôt après. Il ne reviendra que pour le final, ce qui laissera l’amateur de blues sur sa faim. Entre-temps, le jazz a repris ses pleins droits avec le thème Body and blues, et aussi Trains clandestins sur lequel Stéphane Huchard prend un long et formidable solo de batterie qui ouvre un gouffre aux pieds de tous les apprentis batteurs.

 


Éric Séva, Harrison Kennedy

 

Le vendredi soir, nous sommes à Nantes pour le vingtième anniversaire de Malted Milk, et manquons malheureusement le duo Ndeye MBoup-Kévin Doublé, Elise & the Sugar Sweets et Greg Zlap, avec d’autant plus de regrets que les commentaires entendus le samedi sont très élogieux.

Ce troisième jour est lancé par Stand The Weather, un trio local dédié à Stevie Ray Vaughan. Baptiste Dermenghen, chant et guitare, Matthieu Auricombe, basse et Théau Fournier, batterie, connaissent leur affaire et évoquent parfaitement l’univers de leur maître, guitare véloce, rythmique solide et chant neutre. La grande scène est ouverte par le JJ Jacquet Blues Boom Trio. Là encore, c’est une formation, emmenée par le guitariste de jazz JJ Jacquet, qui se dédie à un style, celui du blues joué en Angleterre dans les années 60. Avec Eric Capone au chant et aux claviers et Patrick Argentier à la batterie, JJ revisite Mighty Joe Young, le Climax Blues Band, Ainsley Dunbar, John Mayall, Killing Floor, Peter Green, Keef Hartley ou les Groundhogs. Eric Scapone chante et joue des claviers avec un enthousiasme contagieux et Patrick Argentier piste ses deux leaders de près. À la guitare, JJ est tour à tour véloce, velouté, gentiment agressif et majoritairement blues. Ça transpire l’amour pour le genre choisi et le public apprécie.

 


Stand The Weather

 


JJ Jacquet

 

La tournée 2017 du Chicago Blues Festival met en scène Carl Weathersby (vo, g), Rico McFarland (vo, g), Ronald Moten (kbd), Timothy Lee Waites (b), Jeremiah Thomas (dm) et la nièce de Carl, Laretha Weathersby, au chant. Lorsqu’ils paraissent sur scène, aucun ne sourit, les démarches sont lentes, presque fatiguées, Carl Weathersby s’assied sur une chaise dont il ne se relèvera pas. Le groupe se met en action et, si le niveau musical et le son sont bons – un instrumental, un Crosscut saw chaloupé, un beau Stormy Monday, un funky blues musclé –, on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine routine.

 


Ronald Moten

 


Timothy Lee Waites

 

Et puis Laretha Weathersby les rejoint, manifestement remontée comme une pendule, et met tout le monde au bon seuil de tension. Let the good times rollYou've been steppin' out while someone else was steppin inDance the blues awayDoctor FeelgoodProud Mary façon Ike et Tina Turner, ça y va fort mais elle trouve vite le bon rythme, établit un bon contact avec le public, les musiciens la suivent et s’animent enfin. À tel point que même les Sweet home Chicago et The blues is alright du rappel seront frais et entraînants, avec des sourires sur tous les visages. Tout compte fait, ils ont parfaitement mis en scène la catharsis du blues.

 


Laretha Weathersby

 


Carl Weathersby

 


Rico McFarland

 


Jeremiah Thomas

 


Laretha Weathersby

 

Texte et photos : Christophe Mourot