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Live reports / 09.12.2015

SoBlues Festival

Encore une belle programmation au SoBlues Festival, avec mercredi 18 Little Bob Blues Bastards, jeudi 19 Nasser Ben Dadoo et, normalement, le New Blues Generation Tour mais ces derniers sont rentrés aux États-Unis suite aux attentats du 13 novembre. Seul Sax Gordon Beadle est resté, qui assure au pied levé le concert du soir avec le Jeff Hoffman Trio comme à Blues Sur Seine. Le vendredi 20, votre serviteur donne une conférence sur le Chicago blues, Mezzo et J.M. Dupont sont en dédicace pour leur somptueuse bande dessinée Love In Vain, avant la soirée concert avec Jo Harman et Jimmy Johnson. Le samedi 21, les Bad Mules sont en première partie du Chicago Blues Festival.

C’est donc à partir du vendredi soir que commence la fête pour moi avec la chanteuse anglaise Jo Harman et son groupe (claviers, guitare, basse, batterie). Elle a sans aucun doute une bonne voix, puissante, potentiellement expressive, mais le répertoire majoritairement rock, les limites du groupe, font rapidement se demander pourquoi cette formation a pu avoir autant de récompenses blues outre-Manche. Quel est le rapport au blues d’un groupe qui reste backstage pendant le concert de Jimmy Johnson ? Quel est celui d’une chanteuse qui pour parler de blues, annonce qu’elle va chanter un morceau de Joan Baez, composé par Bob Dylan qu’elle fait suivre d’un pseudo gospel a cappella ? Mais ça tourne bien, le public semble apprécier donc je me dis que je suis le ronchon intégriste du coin.

 


Jo Harman

 

Il n’empêche que je ne suis pas le seul à onduler instantanément lorsque les Cool Cats (Anthony Stelmaszack, Fabien Saussaye, Antoine Escalier, Fabrice Bessouat, augmentés de Sax Gordon Beadle) apparaissent sur scène et se lancent dans un instrumental R&B en shuffle. C’est ensuite Anthony qui chante sur The sun is shining et commence à distiller les solos dont il a le secret, alors que Gordon semble chaud bouillant. Jimmy Johnson s’avance alors et on part en apesanteur. Il a certes 86 ans (il fera d’ailleurs un amusant discours pour annoncer son anniversaire cinq jours plus tard, sans dire son âge !), son répertoire est rempli de classiques, mais ce n’est pas une antiquité revivaliste qui est sur scène, c’est un véritable bluesman d’actualité, car le vrai blues l’est toujours, qui chante et joue ses propres classiques, et qui construit ainsi un pont entre l’histoire et le contemporain. I’m a jockey, Little by little, You don’t know what love is, Cold cold feeling, Chicken head, les merveilles se suivent, Jimmy dirige son monde avec classe. Gordon met le feu à chaque solo, son saxophone renvoyant aux plus grands honkers, Anthony semble inépuisable de créativité à la guitare, Fabien est bluesy à souhait à l’orgue, Fabrice est souple et régulier comme un métronome à la batterie, et Antoine y va même d’un solo de basse comme on aimerait entendre plus souvent. Lorsque l’heure du dernier morceau vient, Jimmy appelle Jo Harman sur scène et celle-ci est vraiment intimidée. En rappel, il transcende Dust my broom par un solo de guitare tranchant. L’homme serait-il infatigable ?

 


Jimmy Johnson, Sax Gordon, Fabrice Bessouat

 


Anthony Stelmaszack

 

Le samedi, ce sont les nantais Bad Mules qui lancent la soirée. Denis Agenet (vo, dm), Freddy Pohardy-Riteau (s), Julien Broissand (vo, g) et Philippe Gautier (org) savent magnifiquement agencer un concert pour mettre tout le monde debout, à coups de R&B dansant, blues bien sentis, reprises ou originaux comme les deux nouveaux titres, She’s my fire girl et Winky Meli annoncés pour un prochain CD. Julien joue un très beau solo sur Romance without finance et le groupe finit d’emballer le public sur le rappel instrumental Boogie for Sacha.

 


Julien Broissand

 


Denis Agenet

 


Freddy Pohardy-Riteau

 


Philippe Gautier

 

Place au Chicago Blues Festival qui ouvre avec Willie Hayes à la batterie, Patrick Rynn à la basse, Chris James à la guitare et au chant et Aki Kumar à l’harmonica et au chant également. C’est lui qui prend le premier lead avec quelques titres issus de ses propres disques. Harmoniciste littlewalterien doté d’un joli son, il chante sobrement, bien placé et suffisamment bluesy pour faire monter la température. Puis le pianiste chanteur Ken Saydak entre en scène. Il commence par un vibrant discours solidaire qu’il termine par « vive la France ! » et « we are not afraid » avant d’envoyer une reprise de Help me qu’il chante de sa voix éraillée, suivie d’un instrumental boogie endiablé. Chris James enchaîne avec Big town playboy, un temps fort de la soirée. C’est lui le leader de l’orchestre, placé au centre du dispositif, et désignant les solistes, Aki Kumar à l’harmonica, Ken Saydak aux claviers ou lui-même sur sa fidèle Gibson, mais aussi Patrick Rynn à la basse pour un solo aussi rythmique que son excellent jeu courant, et Willie Hayes à la batterie tout en décontraction, son solo donnant le top départ à son jeu de scène toujours aussi agréable à regarder.

 


Aki Kumar

 


Ken Saydak, Chris James, Aki Kumar

 


Patrick Rynn et Willie Hayes

 

Chris James chante un autre titre, Hold me, en duo avec Patrick Rynn, avant de reprendre Mona pour évoquer superbement Bo Diddley. Il casse une corde pendant ce morceau mais ne la remplace pas, terminant sans sourciller le concert sur les cinq restantes. La chanteuse de la tournée est Chick Rodgers, habituée du festival soul de Porretta. Ce qui explique peut-être qu’elle soit d’abord moyenne sur les standards blues de rigueur, Let the good times roll, I’ll play the blues for you, The thrill is gone, Got my mojo working, mais qu’elle hausse nettement le niveau sur I’m a woman puis To know you is to love you. Dust my broom est encore une fois le support du rappel.

Texte et photos : Christophe Mourot

 


Chick Rodgers

 


Ken Saydak

 


Willie Hayes