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Live reports / 12.05.2015

Snarky Puppy & Metropole Orkest

Avant que les rangées de pupitres fleurissent en une forêt symphonique, une demi-douzaine de Snarky investit le devant de la scène. Sa mission : accompagner Magda Giannikou, la chanteuse-accordéoniste greco-new-yorkaise, l'une des convives du “Family Diner” enregistré par la troupe de Michael League en 2013. En grec, en portugais et surtout en français, la patronne de Banda Magda enchaîne de sa voix pétillante cinq de ses chansons vitaminées à base de grooves d'Amérique latine. Son percussionniste Marcelo Woloski ébouillante son cajón et le jaillissement de couleurs s'achève sur la samba de l'irrésistible Amour, t'es là?. Une première partie “deluxe” bien en phase avec l'esprit de la soirée.

 


Magda Giannikou et Marcelo Woloski

 

Entracte. Puis déploiement de la bonne cinquantaine de musiciens du Metropole Orkest, de leur chef en baskets Jules Buckley, de douze Snarky ; tout ce beau monde de blanc vêtu. Et l'union ne sera pas que vestimentaire. La section des cordes se met en marche : bienvenue dans “Sylva”, cette suite en six mouvements qui constitue leur nouvel album tout juste paru chez Impulse. Une réussite dont on s'attend à prendre toute la mesure dans ces conditions exceptionnelles. Et comment ! Grâce au relief inégalable qu'offre l'acoustique du direct – chapeau à l'équipe de sonorisation –, l'alliance des deux entités, qui souvent n'en forme plus qu'une, dispensera plusieurs volées de claques. La première découle de l'armée de cuivres qui s'embarque dans Atchafalaya, le titre d'inspiration néo-orléanaise. Grisante sur le disque, cette incartade second line devient ici dantesque, un peu comme si le Rebirth Brass Band paradait soutenu par des salves de barrissements funky.

 

 


Jay Jennings

 

Avant cela, Sintra et Flight avaient planté le décor et déjà illustré l'étonnante souplesse avec laquelle le mastodonte pouvait enchaîner déroulement symphonique, soulignage de groove et embardée jazz-funk. Il faut dire qu'en s'attachant à mettre en musique différentes forêts qui ont marqué son existence, Michael League a mis à profit son sens du suspens, son goût pour la surprise. Ce soir on peut bien les attendre, ces moments où le funk va prendre le dessus : lorsqu'ils déboulent la puissance est telle que la salle s'embrase. C'est le cas dans les deux pièces épiques. The Curtain, d'abord, avec ses claviers sinueux, son Moog scotchant. The Clearing, ensuite, avec son virage D'Angelesque (instigué par la guitare alerte de Mark Lettieri) et ses lumineuses pêches de cuivres dignes d'à-coups de Mr. Dynamite. Implacable aussi cette façon de découper des rugissements au scalpel pour nous étourdir de silence dans la coda de Gretel. L'ensemble de cette promenade forestière fut agrémentée de solos bien distribués, entre Snarky Puppy mais aussi quelques souffleurs du Metropole.

 


Michael League

 


Jules Buckley

 


Bob Lanzetti et Mark Lettieri

 

Pour ne pas s'arrêter en si bon chemin, quatre titres du répertoire de la bande à League ont ensuite les honneurs d'une relecture symphonique. Lancé par le piano alerte de Bill Laurance, Ready Wednesday dévale les mesures, puis Thing of gold, trois ans d'âge, assoit un peu plus son statut de “Snarky classic”. Deux tranches saignantes du encore tout chaud “We Like It Here” concluent l'affaire. Le rampant Lingus (oui, Cory Henry a encore failli faire fondre les touches de ses claviers) et l'inarrêtable Shofukan, tout deux théâtre du drumming fou de Robert “Sput” Searight (juste à côté, derrière son rack de percussions, le tout aussi survolté Nate Werth n'est pas en reste). Le riff de cuivres de Shofukan est bien entendu repris à pleins poumons par un Olympia qui ne veut plus le lâcher, s'en servant pour faire revenir toute la troupe qui délivre une ultime envolée. Une communion à la hauteur de l'événement. 

Nicolas Teurnier
Photos © Stella-K

 


Robert “Sput” Searight

 


Au premier rang : Chris McQueen, Jay Jennings, Mike Maher, Chris Bullock