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Live reports / 29.01.2018

Sly Johnson

Largement considéré comme une des plus grandes voix soul de la scène française, Sly Johnson n’a pourtant pas encore recueilli un succès populaire à la hauteur de la qualité de ses disques – ses deux albums, “74” et “The Mic Buddah”, ont respectivement été salués du Pied et de quatre étoiles dans Soul Bag. À l’occasion de la nouvelle année, c’est un tout nouveau projet qu’il présente au Duc des Lombards, en association avec trois figures de la scène jazz française : le pianiste Bojan Z, à la riche carrière personnelle engagée depuis plus de vingt ans, le bassiste Fifi Chayeb, entendu aussi bien dans la variété française – de France Gall à Mylène Farmer – que dans le jazz (Larry Carlton, Billy Cobham…) et le batteur André Ceccarelli, dont la carrière ne peut se résumer dignement en quelques lignes. En ouverture, l’ancien du Saïan Supa Crew précise : il ne s’agit pas d’un concert soul, jazz, funk ou hip-hop, mais bien de la rencontre de ces différentes approches, indépendamment des étiquettes. Malgré le pedigree de ses accompagnateurs, c’est bien Johnson qui est au centre du projet : après une ouverture sur le standard Afro blue, c’est son répertoire personnel, issu de ses albums, qui constitue la plus grande partie du programme, de l’excellent I’m calling you – impossible de comprendre que ce duo avec Ayo ne soit pas devenu un tube ! – à Don’t justify yourself. L’accompagnement par des musiciens rodés à l’improvisation permet à Johnson de développer longuement ses morceaux et d’interagir, entre beatbox et scat, avec ses partenaires, et en particulier avec Bojan Z, qui passe naturellement du piano électrique à des synthés à l’inspiration worrellienne (d’après le Bernie du même nom). Et lorsque Johnson décide d’introduire en beatbox façon batterie, même André Ceccarelli, qui en a vu d’autres, semble épaté !

Il s’agit du premier concert donné dans cette configuration, ce qui explique sans doute quelques flottements – notamment les fins de morceaux ! – ainsi que la nervosité visible du chanteur, qui doit laisser passer plusieurs titres avant de donner à sa voix sa pleine ampleur. En fin de set, il est temps de passer aux reprises auxquelles Johnson apporte sa touche personnelle : un What’s going on dynamité par les touches de synthé explosives de Bojan Z, la très belle (et inattendue) ballade Retrograde de James Blake, occasion de faire intervenir la fameuse “machine” qui accompagne habituellement les prestations de Johnson en solo et qui était restée discrète jusqu’ici, et une version très réussie du Simply beautiful d’Al Green.  Seul Georgia on my mind, en duo clavier-voix, est un peu moins réussi, l’approche déconstruite tombant un peu à plat… En rappel, Golden lady, emprunté à Stevie Wonder, vient confirmer le potentiel d’un projet dont on espère qu’il pourra, malgré l’emploi du temps chargé des différents protagonistes, se développer dans les prochains mois.
Frédéric Adrian