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Hommages / 29.01.2021

Sherman Robertson (1948-2021)

Considéré dans les années 1990 comme le successeur potentiel d’Albert Collins et Albert King sur la foi de deux albums très réussis parus sur le label Code Blue, Sherman Robertson n’a pas tout à fait confirmé les espoirs de l’époque, entre problèmes de santé et galères de label. Cela n’enlève rien à la trace qu’il a laissé au fil d’une carrière longtemps limitée au Texas.

Né en Lousiane, à Breaux Bridge, c’est à Houston, au Texas, que Sherman Robertson est élevé. Passionné de musique dès son adolescence, il ne tarde pas à se faire remarquer pour ses prouesses guitaristiques. Pendant ses études, il appartient au Kashmere Stage Band, l’orchestre de la Kashmere High School de Houston, dirigé par l’ancien accompagnateur de Goree Carter Conrad O. Johnson, et c’est sur un album de l’ensemble (“Our Thing”, en 1969) qu’il fait ses débuts discographiques. Il monte également son propre groupe, le Cross Town Blues Band, avec lequel il se produit dans les clubs du Fifth Ward tout en accompagnant les vedettes de la scène locale comme Peppermint Harris, Buddy Ace ou Big Walter Price. Il tourne même pendant quelques semaines au sein de l’orchestre de Bobby Bland.

Après avoir accompagné Harris en studio pour le label local Lunar #2 Recordings, il signe deux albums pour la même maison de disque, “Married Blues” et “Bad Luck and Trouble”, ainsi qu’un EP qui le voit notamment accompagner Big Mama Thornton, Peppermint Harris et Big Walter Price. Si “Bad Luck and Trouble” lui a permis d’attirer l’attention de la presse blues, c’est lorsqu’il rejoint au début des années 1980 l’orchestre de Clifton Chenier qu’il se fait réellement remarquer, apparaissant notamment sur l’album “Live At The San Francisco Blues Festival”. Dans le registre zydeco, il collabore également avec Rockin’ Dopsie (l’album “Crowned Prince Of Zydeco”) puis Terrance Simien, avant de retrouver le blues aux côtés de Johnny Copeland. Avec l’orchestre de Dopsie, il participe à un titre de l’album “Graceland” de Paul Simon

C’est le producteur Mike Vernon, figure du blues boom britannique des années 1960 avec sa maison de disque Blue Horizon, qui relance la carrière personnelle de Robertson du côté blues en produisant deux de ses albums pour son propre label, Code Blue. Parus en 1993 et 1995, “I’m The Man” et “Here & Now”, publiés aux États-Unis sur Atlantic, l’installent au premier plan des talents émergents de la scène blues, bien qu’il soit loin d’être débutant, d’autant qu’il confirme largement sur scène les promesses de ses disques, comme le documente le DVD “Takin’ You To Texas”, publié en 2016 par JSP et qui reprend une prestation britannique de 1999. Lors du festival de Montreux de 1994, il participe même à une jam aux côtés du chanteur Paul Rodgers et de ses invités, parmi lesquels Luther Allison, Eddie Kirkland, Kenny Neal et les rockers Brian May (Queen) et Steve Lukather (Toto). 

Après la fin de l’aventure Code Blue, c’est sur AudioQuest Music que paraît en 1998 son album suivant, “Going Back Home”. À cette occasion, il est interrogé dans le numéro 151 de Soul Bag. Ce disque ambitieux, pour lequel il est notamment accompagné par des membres du groupe rock Little Feat, marque cependant la fin de sa carrière discographique en studio – même s’il lui arrivera dans les années suivantes d’enregistrer pour d’autres artistes parmi lesquels Bobby Rush ou Leroy Thomas. C’est désormais sur scène que se poursuit le parcours de Sherman Robertson, habitué des salles (New Morning, Méridien… mais aussi le Caf Conc d’Ensisheim, la Blues Station de Tournon d’Agenais, l’Eden d’Oraison, le Prieuré de la Charité-sur-Loire, l’Odéon de Tremblay et bien d’autres) et festivals français au fil de tournées annuelles, triomphant notamment en 2009 à MNOP (Musiques Nouvelle-Orléans à Périgueux). Un album en public, “Guitar Man – Live”, gravé avec un groupe britannique à l’occasion d’un festival hollandais, vient en 2006 transcrire l’intensité de ses shows spectaculaires. Fin 2011, après une dernière tournée européenne estivale, une attaque vient mettre un terme définitif à une carrière remarquable, même si elle ne lui a sans doute pas permis de prendre la dimension que sa guitare, à mi-chemin entre Louisiane et Texas, et son chant gorgé de soul, auraient mérités.

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © Brigitte Charvolin

Vaison-la-Romaine, septembre 2008. © Brigitte Charvolin
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