;
Chroniques / 22.10.2020

Shemekia Copeland, Uncivil War

Depuis maintenant plusieurs années, on présente fréquemment Shemekia Copeland comme la meilleure chanteuse de blues. Toutefois, ayant eu l’honneur de chroniquer le précédent album de Shemekia (“America’s Child”, Alligator, 2018), j’avais identifié une envie de franchir certaines frontières. Très réussi, “America’s Child” était plutôt marqué par un certain optimisme. Mais depuis, la multiplication des violences policières et la Covid-19 se sont invitées. Avec “Uncivil War”, Shemekia signe une réalisation majeure dans un registre forcément plus sombre.

Walk until I ride (sur les droits civiques avec un formidable traitement gospel), Uncivil war (problèmes actuels de racisme aux États-Unis), Apple pie and a .45 (violences avec armes) et Give God the blues (avec les religions, avec les partis politiques, on file tous le blues à Dieu…) sont autant de brillants pamphlets lucides. Sans oublier en ouverture Clotilda’s on fire, sur le dernier navire d’esclaves qui accosta en Amérique en 1859, alors que c’était interdit depuis 1807.

On trouve aussi des titres humoristiques teintés d’un certain féminisme, comme Under my thumb (reprise des Rolling Stones dont elle passe les paroles au féminin !) et She don’t wear pink, sans oublier l’hommage à Dr. John Dirty saint. Mais chaque chanson est superbement écrite et les textes font probablement de ce CD la meilleure réalisation de la chanteuse, toujours monstrueuse vocalement. Des textes souvent confiés à John Hahn et Will Kimbrough, également impeccable à la guitare. Le CD a été enregistré avec des musiciens de Nashville (dont les vétérans du rock Duane Eddy et Webb Wilder), et des invités dont Kingfish et Steve Cropper. Ainsi teinté de rock et de country, le blues de Shemekia Copeland est plus que jamais celui de notre temps.

Daniel Léon

Note : ★★★★★ (Le Pied !)
Label : Alligator
Sortie : 23 octobre 2020

Alligator RecordsDaniel LéonShemekia Copeland