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Live reports / 20.06.2019

Shalamar, Nouveau Cap, Aulnay

12 juin 2019.

Croisé quelques instants avant l’entrée du public dans la salle, le responsable de l’organisation de la soirée – qui montera sur scène présenter le groupe – ne cache, à juste titre, ni son excitation ni sa fierté : dans le cadre d’une programmation qui fait une place unique en France à la soul et au funk des années 1980 (depuis 2018, Delegation, Odyssey, Light of the World, James D-Train Williams, Unlimited Touch et quelques autres s’y sont produits, en attendant la venue en novembre du B. B. & Q. Band !), le Nouveau Cap s’offre une exclusivité majeure avec le premier concert en France de Shalamar depuis… 36 ans !

Pour l’occasion, les deux soirées sont complètes bien à l’avance, d’un public qui frissonne d’anticipation. Après bien des péripéties – et quelques passages devant les tribunaux – le groupe comprend aujourd’hui deux de ses trois membres historiques : Howard Hewett – arrivé en son sein il y a quarante ans tout juste – et le fondateur Jeffrey Daniel. Définitivement fâchée avec ses anciens partenaires, Jody Watley fait bande à part depuis plusieurs années et est remplacée par Carolyn Griffey, fille du producteur Dick Griffey, “inventeur” de Shalamar, et à ce titre co-propriétaire depuis son décès du nom du groupe avec sa mère, la chanteuse Carrie Lucas.

Absent des bacs des disquaires depuis 1990 et l’album “Wake Up” – sur lequel n’apparaissait aucun des membres du trio présents ce soir –, c’est évidemment un “Greatest Hits Tour”, taillé pour les festivals – le groupe enchaîne les dates au Royaume-Uni, avec quelques pauses, jusqu’à fin août – que propose le groupe. Il faut dire, que, avec 22 titres dans le classement soul de Billboard entre 1977 et 1987, il ne manque pas de répertoire à proposer ! L’honnêteté oblige à reconnaître que tout n’est pas extraordinaire (impossible de comprendre qu’une nullité comme Take that to the bank ait eu un tel succès !) et que certains titres – les plus synthétiques, marqués par l’esthétique new wave de l’époque – n’ont pas très bien vieilli, mais l’ensemble, qui ne s’embarrasse pas de subtilités excessives, séduit par l’enchaînement de tubes imparables – The second time around, There it is, Over and over, I can make you feel good… – joués à la perfection par un orchestre hyper carré (mais hélas anonyme, les musiciens n’étant présentés que par leur prénom), et très bien chantés. Même un “nouveau” single (qui a presque deux ans), The real thing, passe bien dans ce contexte.

Si Jeffrey Daniel a toujours été un danseur et un “entertainer” plus qu’un chanteur, Howard Hewett est sans aucun doute une des plus grandes voix soul à avoir émergé au cours des années 1980, et il n’a rien perdu aujourd’hui de ses qualités vocales, comme le confirme, entre autres le bien trop court passage consacré aux ballades (l’irrésistible This is for the lover in you, à la hauteur des grandes ballades des Isley Brothers époque Between the sheets), hélas traitées en medley… Il va de soi qu’un retour de Hewett en solo, pour explorer son répertoire personnel, serait tout à fait le bienvenu ! Quant à Carolyn Griffey, c’est une chanteuse adéquate, plus que réellement convaincante, et sa présence au sein du trio doit sans doute plus à son statut juridique (elle est dans les faits l’employeuse de ses deux collègues, qui la surnomment “Babygirl”) qu’à ses qualités vocales, d’autant qu’elle se met en avant d’une façon assez agaçante – ainsi, c’est elle qui arrive la dernière sur scène, en vedette, et elle aussi qui prend la parole à la fin du concert, alors qu’elle n’apparaît sur aucun disque.

Tout cela n’enlève rien au plaisir suscité par une prestation parfaitement rôdée, y compris au plan visuel, avec des chorégraphies qui évoquent l’époque où le groupe triomphait dans l’émission Soul Train. Si, à soixante ans passés, Jeffrey Daniel danse moins, il lui suffit de quelques mouvements pour rappeler qu’il est celui qui a appris le moonwalk à Michael Jackson, comme il le démontrera au début du rappel.  Si le groupe disparaît après à peine une heure de concert, il revient bien vite pour une version à rallonge de l’irrésistible A night to remember, à l’issue duquel les membres du groupe descendent serrer les mains de leurs fans… Et c’est sans doute une soirée mémorable qu’a vécue un public, qui, à la sortie du show, semble avoir du mal à redescendre sur terre après une prestation aussi attendue. Inutile de dire que personne ne reprocherait au groupe de s’offrir rapidement une nouvelle visite en France, “the second time around” !

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Craig Brown

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