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Live reports / 21.07.2017

Saveurs Jazz Festival

En découvrant le nouveau site du festival, plus proche du centre-ville et bien arboré, personne ne regretta le Parc des expositions des éditions antérieures. Deux scènes cohabitent, l'une, ouverte, pour les concerts gratuits du début de soirée, l'autre, sous chapiteau – un peu suffocante par ces temps de canicule –, pour les concerts payants du soir.

Cette huitième édition fait la part belle aux vocalistes et met le blues à l'honneur dès le premier soir. Eric Bibb et Jean-Jacques Milteau privilégient leur album de 2015 célébrant l'héritage de Lead Belly pour affirmer leur complémentarité et leur complicité. À Bibb, les vocaux et l'accompagnement aux guitares acoustiques, à Milteau, les solos d'harmonica brillants et les commentaires à l'humour décalé. Empruntés au célèbre songster, Pick a bale of cotton, Bourgeois blues, Rising sun ou Stewball alimentent la première moitié du set, mais, à partir du très enjoué Midnight special, le répertoire s'oriente vers des thèmes plus personnels, comme Refugee moan, issu de “Migration Blues”, ou un intense Don't ever let nobody drag your spirit down final, soulevant l'enthousiasme du public.

 


JJ Milteau, Eric Bibb © Jean Thévenoux

 


JJ Milteau, Eric Bibb © Thierry Ploquin

 


JJ Milteau, Gilles Michel, Eric Bibb, Larry Crockett © Alain Pellerin

 

L'intermède d'une demi-heure n'est pas de trop pour profiter de la relative fraicheur extérieure avant de replonger dans la fournaise attisée par Popa Chubby. L'imposant New-Yorkais joue assis, assisté d'Andy Paladino à la basse et Sylvester Bryant à la batterie. Bien sûr, ça joue fort, serré et touffu. Popa Chubby alterne tempos et ambiances, déroulant au fil du concert des climats blues, rock, funk et même jazz. Il est capable de passer, sans coup férir, du Godfather's theme à Hey Joe. Certes, il se laisse aller à quelques séquences trop démonstratives – mais le public apprécie et en redemande, alors pourquoi se gêner ? Bref, s'il ne m'a pas encore converti, le bad guy du blues-rock est un professionnel accompli.

 


Popa Chubby © Jean Thévenoux

 


Popa Chubby © Alain Pellerin

 

Le vendredi, c'est funk ! À commencer avec le programmateur du festival, Nicolas Folmer qui met en scène la “Horny Tonky Experience” de ses deux derniers albums. Il inscrit sa démarche dans une mouvance jazz-funk inspirée des frères Brecker, de Miles, Herbie et quelques autres. Même les titres goovy et dansants ménagent des plages plus éthérées et planantes. Tous les protagonistes sont impliqués : le saxophoniste Antoine Favennec, le claviériste Gauthier Toux ou le guitariste Olivier Louvel, enchaînant plans rock et cocottes funky. Mais c'est bien la trompette de Folmer qui donne le cap.

 


Nicolas Folmer © Jean Thévenoux

 

Sous le chapiteau, les sièges de la veille ont disparu – ne subsistent que les fauteuils des gradins du fond. Le vaste dancefloor dégagé va progressivement se remplir à mesure qu'avancera l'impeccable set de Malted Milk. Un set parfaitement au diapason du dernier Soul Bag avec le Memphis sound en background – plutôt tendance Royal Studio que Stax d'ailleurs. Ouvert avec Back for a taste of your love (Syl Johnson), le show ramassé sur une heure, et sans faire-valoir, suffira à confirmer le niveau d'excellence atteint par le groupe. Du leader, bluffant d'aisance à la guitare comme au chant, à chacun de ses camarades de jeu (Damien Cornélis, kbd ; Eric Chambouleyron, g ; Igor Pichon, b ; Richard Housset, dm). Les souffleurs (la barrissant Vincent Auber au trombone et Pierre-Marie Humeau à la trompette) ne font pas pièces rapportées, mais s'intègrent totalement à l'ensemble. Décidemment, quelle que soit la formation qu'il dirige (Stagger Lee, Roots Combo…), Arnaud Fradin épate !

 



Malted Milk © Jean Thévenoux

 


Arnaud Fradin © Alain Pellerin

 


 Malted Milk © Thierry Ploquin

 

En trio basse-batterie, lui-même au chant et à la guitare, Keziah Jones, avec un art consommé de la scène, transporta un public réceptif à sa fusion rock-funk. Point d'orgue avec Rhythm is love. Chargés de conclure, les Lucky Chops ne ménagèrent pas leur peine, souvent dans la surenchère d'une feel good music forcenée. Malgré ses efforts, la fanfare new-yorkaise semble encore bien loin du groove et de l'exubérance de ses collègues néo-orléanais du Hot 8 ou chicagoans de l'Hypnotic Brass Ensemble.

 


 Keziah Jones © Thierry Ploquin

 


 Lucky Chops © Jean Thévenoux

 

Saveur Jazz se poursuivait le samedi avec Youn Sun Nah, le dimanche avec Herbie Hancock et le lundi avec Michel Jonasz et Manu Katché. Tous ont trouvé un auditoire à la mesure de leur popularité. Les nombreux concerts gratuits ont aussi contribué au vrai succès populaire du festival, avec des artistes confirmés ou en devenir, comme Samy Thiébault, Dam'nco, Gauthier Toux, The Show, Manuel Rocheman, etc.

Jacques Périn