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Live reports / 27.07.2022

Saveurs Jazz Festival 2022, Segré-en-Anjou Bleu

7 au 10 juillet 2022.

Les saveurs étaient présentes sur les stands des producteurs locaux, le jazz sur les deux scènes, celle de la marmite, en accès libre, et celle du parc, payante, animées en alternance dans un strict respect des horaires. Nous avons manqué les deux premières soirées (dont Tribe From The Ashes avec Sandra Nkaké et Marion Rampal, Sylvain Beuf ou Richard Bona), mais nous étions là le samedi pour une programmation axée sur le blues et les voix.

Comme lors de la soirée Soul Bag au Triton en mars dernier, Same Player Shoot Again est venu présenter la déclinaison live de son second opus, “Our King Albert”. Le groupe privilégie le côté laid back et funky qui sied si bien au répertoire d’Albert King, ses titres devenus des standards ou des thèmes moins connus comme Till my back ain’t got no bone qui ouvre le concert ou Playing on me. Vincent Vella n’imite pas son modèle, mais l’interprète d’une voix qui charrie des cailloux et du miel, portée par une rythmique tout en souplesse capitonnée (Max Darmon, basse ; Amine Ouzzani, drums). La mise en place est parfaite et laisse à tous le loisir de s’exprimer, le sax ténor sur I’ll play the blues for you, l’alto de Jérôme Cornélis à son avantage dans Angel of mercy et le clavier de Florian Robin particulièrement brillant dans I wanna get funky ou en prolongement d’Angel of mercy. Mais c’est forcément la guitare de Romain Rousselière qui se taille la part du lion, ne cherchant pas, elle non plus, à se mesurer à son modèle, mais à en donner sa vision personnelle, comme dans Crosscut saw ou As the years go passing by.

Sur l’autre scène, c’est Képa qui prend le relais, seul avec sa voix, sa guitare métallique, son harmonica en rack et sa stomp box au bout du pied générant des sonorités étranges et/ou névrotiques. Il a beau convoquer les mânes de Sonny Boy Williamson et de Skip James (Hard time killing floor), je n’arrive pas à entrer dans son univers. 

Same Player Shoot Again
Max Darmon
Romain Rousselière
Florian Robin
Vincent Vella
Képa

Le Haut-Anjou semble réussir à Popa Chubby puisqu’il revenait à Saveurs Jazz cinq ans après un premier passage. Il semblait d’ailleurs tout content d’être là, lançant un jovial « Bonsoir mes amis ! » et partageant souvent avec un public tout acquis. Pas de surprise pour autant : son blues rock roboratif aurait tout aussi bien eu sa place au Hellfest deux semaines auparavant. Néanmoins, entre deux morceaux furieux, il a su ménager quelques plages de répit, le temps d’un morceau rock’n’roll/swing, d’un bon blues lent à la gloire de New York ou d’un titre jazzy et délié conduit par la basse de Mike Merritt. Nous eûmes aussi droit à un hommage appuyé à Muddy Waters à travers Hoochie coochie man. Sous ses dehors bourrus, Popa Chubby sait conduire son show et donner à son auditoire ce qu’il attend. Et même au-delà quand il reprend Somewhere over the rainbow !

En fin de soirée, la chanteuse Cecil L. Recchia illustrait son dernier album “Play Blue”, des reprises de titres Blue Note pour lesquelles elle a écrit des paroles en symbiose avec la musique. Avec naturel et élégance, elle égrena notamment The slidewinder emprunté à Lee Morgan ou le Driftin’ de Herbie Hancock avec ses complices de studio : César Poirier, saxophone ; Noé Huchard, piano ; Raphaël Dever, contrebasse et David Grebil, batterie.

Popa Chubby
Popa Chubby, Mike Merritt

Le lendemain, le jazz est de la partie avec Sylvain Rifflet, Daniel Zimmerman (dans un programme Gainsbourg) et Samy Thiébault, mais il laisse une place de choix à la chanteuse germano-nigériane Ayo. Son univers mêle intimement jazz et folk, soul et reggae dans des compositions personnelles en forme de ballades d’apparence légères. Mais la délicate élégance qu’elle irradie ne peut toujours masquer une énergie, un engagement et même une certaine raucité qui tient l’attention éveillée. Une attention aussi sollicitée par ses accompagnateurs, des musiciens dont l’expérience n’a pas émoussé l’implication : Gael Raktondrabe au piano, Matthis Pascaux aux cordes (guitares, mandoline, lap steel), Raphaël Chassin à la batterie et Laurent Vernerey à la contrebasse. Ce dernier particulièrement brillant dans une extension très convaincante du Né quelque part, de Maxime LeForestier, un des temps forts du concert. Tout comme le morceau qui fit instantanément connaître Ayo en 2006, Down on my knees, dont elle n’a cessé d’explorer les potentialités et qu’elle revisite aujourd’hui avec un sens consommé de la scène. 

Belle conclusion à cette 13e édition de Saveurs Jazz Festival dont le succès populaire ne se dément pas. Alors, à l’an prochain !

Texte et photos : Jacques Périn

Ayo
Laurent Vernerey, Ayo
Matthis Pascaux
Gael Raktondrabe