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Live reports / 23.07.2018

Saveurs Jazz Festival

Depuis sa création, en 2010, le SJF n'a cessé de monter en puissance, jusqu'à se glisser dans la cour des grands. Soutenue par la Spedidam et la ville de Segré (on dit maintenant Segré-en-Anjou Bleu), la programmation pensée par Nicolas Folmer et Ronan Palud panache avec goût vedettes confirmées ou musiciens en pleine ascension, artistes populaires ou talents plus confidentiels. Blues et soul n'ont pas été négligés. On y a vu Maceo Parker, Lucky Peterson, Malted Milk, Popa Chubby, JJ Milteau et Eric Bibb.

Cette année, la neuvième édition a notamment accueilli Sandra Nkaké et Selah Sue, mais aussi Electro Deluxe et Kyle Eastwood, sans oublier la scène gratuite proposant Otis Stacks, Ellinoa, Sophie Alour ou Zounds.

Nous n'avons pu assister qu'à la dernière soirée, celle du lundi, mettant à l'honneur le jazz vocal. Michelle Hendricks a ouvert la soirée sous le chapiteau avec ses complices habituels, notamment Arnaud Mattei au piano et Olivier Temime au ténor sax. Spécialiste du “vocalese”, ces acrobaties vocales calquant les solos instrumentaux (dont son père, Jon, fut un des initiateurs), elle puise dans son dernier album consacré au répertoire d'Ella Fitzgerald (How high the moon, Airmail special…), sans négliger ses propres compositions (Don't give your soul awayou l'amusant Honk if you want).

 


© Jean Thévenoux

 


© Thierry Ploquin 

 


© Thierry Ploquin 

 

Elle reprend aussi un titre de son père, gravé avec Les McCann (I'll bet you thought I'd never find you), et offre en rappel Mama you told me, un blues bien senti auquel le public répond spontanément. Michelle Hendricks a le talent modeste, peut-être trop, d'autant que l'orchestre, excellent au demeurant, n'est guère mis en valeur par une sonorisation manquant de relief.

 


© Thierry Ploquin 

 


© Thierry Ploquin 

 

Un inconvénient dont ne souffrira pas Gregory Porter. Son agent, Jean-Noël Ginibre, veille au grain et aux balances, et, dès les premières mesures, l'orchestre sonne avec une présence et une énergie qui font la différence. Porter s'est forgé une personnalité marquante et s'y tient. Musicalement, évidemment, avec cette voix qui marrie puissance et douceur, autorité et expressivité. Maître dans l'art de la ballade mais redoutablement acéré quand le funk pointe. Il soigne aussi son look, sans doute maintenant prisonnier de cet improbable bonnet à oreillettes. Tout comme il reste fidèle à ses accompagnateurs “historiques” – le saxophoniste Tivon Pennicott fait presque figure de nouveau venu, aux côtés de Chip Crawford au piano, Jahmal Nichols à la contrebasse et Emanuel Harrold à la batterie. Son set ne se polarise pas sur son dernier album, en hommage à Nat King Cole, mais élargit le répertoire en puisant dans les disques antérieurs (comme l'excellent Liquid spirit) et s'offrant même quelques reprises bienvenues (Papa was a rolling stone, Hit the road Jack…).

 


© Pascal Rabel 

 


© Jean Thévenoux

 

Sans communiquer outre mesure, il n'a aucun mal à capter l'adhésion d'un public acquis, même si le final déconcerte : lors du rappel, il quitte la scène le premier, tandis que chaque musicien prend un solo avant de partir à son tour. Ça se termine par des interventions un peu longuettes du bassiste puis du batteur. Avant qu'on annonce la fin du concert. Un peu frustrant, d'autant qu'on attendait 1960 What?

 


© Thierry Ploquin 

 

En dépit de la canicule et la Coupe du monde, cette édition de SJF se solde par un joli succès populaire, qui laisse bien augurer de la prochaine, la dixième.

Jacques Périn