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Chroniques / 22.12.2023

Sampha, Lahai

Une effervescence créative drapée dans une quiétude lumineuse. Ce deuxième album ressemble à ces œuvres vraiment marquantes. Celles qui nouent l’intime à l’universel avec une finesse de réalisation qui signale que nous n’avons pas fini de revenir y déceler de nouvelles strates.

Six ans après le mémorable “Process”, véhicule du deuil maternel, Sampha Lahai Sisay pratique toujours l’envoûtement, en questionnant la notion de temps, en reliant ascendance (son deuxième prénom qui baptise l’album était aussi celui de son grand-père sierra-léonais qu’il n’a pas connu) et descendance (sa jeune fille qui lui rappelle sa mère). Le trentenaire britannique trouve à nouveau un bel équilibre entre les différents arcs de sa voûte artistique, lui le beatmaker audacieux, le chanteur céleste, le pianiste délicat qui, pour un disque si personnel, n’a nul besoin de faire chauffer son carnet d’adresses rempli de superstars. Les maîtres d’ouvrage avec qui il colore sa fresque se nomment El Guincho, Kwake Bass, Ben Reed, Ricky Damian, Ibeyi, entre autres. Sans oublier une ample section de cordes sur un tiers des titres et le drumming renversant de Yussef Dayes sur le merveilleux Spirit 2.0, illustration du champ des possibles quand l’humain réincarne ce qu’il a pu extraire des machines.

Cette cohabitation naturelle entre vocabulaires acoustique et électronique est l’une des grandes forces de la musique de Sampha. À l’œuvre de manière saisissante dès ce Stereo colour cloud qui joue sur le décalage entre cette voix sereine et cette rythmique haletante. Soul, jazz, jungle, hip-hop, R&B, scansions ouest-africaines, les sources s’entremêlent tout du long de ces 14 plages portées par un sens de la nuance qui irrigue sans cesse le phrasé d’un Sampha libre d’exposer une toile profondément personnelle et hautement signifiante. 

Nicolas Teurnier

Note : ★★★★★ (Le Pied)
Label : Young
Sortie : 20 octobre 2023

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