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Live reports / 11.05.2018

Sam Smith

Difficile de croire qu'il n'y a pas si longtemps Sam Smith se produisait à Paris devant quelques dizaines de personnes. C'est ce qu'il rappelle un large sourire aux lèvres ce soir en goûtant l'enthousiasme du Bercy complet qui l'entoure. Belle idée cette longue avancée scénique qui permet de tempérer le gigantisme de la salle. Un champion en musique triste peut faire bon usage d'un surcroît de proximité. Le chanteur britannique qui a conquis la planète avec sa soul pop mélancolique (succès colossal de Stay with me en 2014) met rapidement les choses au clair : de l'émotion, du drame, oui, mais pas question de se morfondre, lui et son groupe feront tout pour faire passer un message d'union bienveillante et inspirante. Un côté Bisounours parfaitement assumé. Et un peu de scénographie qu'on est en droit d'attendre dans un lieu de cette dimension. 

 

 

 

Smith n’entre pas en scène, il en sort, littéralement, assis sur une chaise qui s’élève : le voilà directement au beau milieu de l’avancée, recueilli, chantant Burning. Effet garanti. Bientôt c’est tout l’orchestre qui s’élève non loin d’un imposant décor en pointe illuminée qui plus tard s’ouvrira. Une dramatisation dont le chanteur britannique soulignera l’ampleur tel un enfant impressionné par son propre jouet. Outre son contact simple et direct avec un public qui le lui rend bien, un des atouts de Smith est le lien fort qu’il entretient avec son groupe composé en partie de musiciens avec qui il créé et enregistre ses chansons, notamment le solide bassiste Brendan Grieve et l’excellent Reuben James à la manœuvre derrière un piano droit. Un batteur, un guitariste, mais aussi un violoncelliste et surtout un quatuor de choristes déterminant pour recréer live le relief soul et gospel du répertoire de Smith. One last song lance ainsi la machine en mode soul 60s dans le sillage de Daptone.

 

 

 

 

 

 

 

Et puis Sam Smith délaisse “The Thrill Of It All”, son nouvel album, pour explorer pendant un long moment ses titres antérieurs, largement issus de “The Lonely Hour” (la ballade crève-cœur I’m not the only one, l’entêtant Money on my mind). Il remonte aussi à son premier EP avec Nirvana, passe par le tourmenté et un brin pesant Writing’s on the wall (écrit pour un James Bond et oscarisé) et met à contribution ses titres enregistrés avec le duo electro-house Disclosure (OmenLatch) pour faire chauffer le dancefloor. Gentiment. Smith n’est pas une bête de scène, tant s’en faut. Il apparaît même un peu guindé, à l’image de son show calibré, sous contrôle. Mais il se donne vocalement et dégage une empathie assez désarmante tant elle semble naturelle. Combien de vedettes prennent le temps de présenter un à un chaque membre de leur groupe en les gratifiant d’une accolade ? (Sans parler d’un générique de fin qui mentionne tous les noms de son équipe de tournée.)

 

 

 

 

 

 

On ne sait pas pourquoi il attend si longtemps avant de revenir à son nouvel album, mais en tout cas on constate à nouveau sa qualité supérieure. Ne serait-ce que ce poignant Scars interprété seul avec Brendan Grieve passé à la guitare pour l’occasion. Les trois derniers quarts d’heure seront les meilleurs. Grâce à Him, intense déclaration d’amour à la fin de laquelle s’allumera un faisceau aux couleurs LGBT, grâce à Too good at goodbyes, grand tube de cette année évidemment repris bien fort en chœur, grâce à cette première partie de rappel en duo avec l’une des choristes pour Palace. Dommage qu'ils n'aient pas enchaîné avec No peace, unique duo du disque (avec l'étincelante YEBBA). Le déjà classique Stay with melui emboîte le pas et a le droit à un petit rehaussement funky avant que Pray ne vienne clore la soirée sur une note plus groove. Si son show généreux mais très balisé souffre de plusieurs longueurs, Sam Smith a le mérite de parvenir à transposer même dans une salle surdimensionnée le caractère intime et soulful de sa musique, avec une sincérité touchante. 

Nicolas Teurnier
Photos © Frédéric Ragot