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Live reports / 08.04.2011

SALAISE BLUES FESTIVAL 2011


Eddie C. Campbell © Brigitte Charvolin

La première soirée de cette 24e édition du Salaise Blues Festival mettait l’accent sur le blues au féminin et l’affiche concoctée par Jackie Crouail et son équipe se révélait des plus alléchantes.
En ouverture, The Washing Machine Cie
et sa chanteuse Amandine Guinchard avaient pour mission de chauffer la salle. Tâche ô combien délicate mais qui ne sembla poser aucun problème à ce jeune groupe franc-comtois. Dans une veine résolument pop-rock post 70’s, The Washing Machine Cie opérèrent le grand nettoyage de nos oreilles et de nos cerveaux formatés par le country blues, le Chicago blues et autres blues traditionnels rabâchés çà et là depuis de nombreuses années dans nos principaux festivals hexagonaux. Une grande lessive salutaire pour bon nombre de spectateurs qui se ruèrent sur le récent et second CD du groupe, “Nutty As A Fruit-Cake”, lors de la pause. La musique, les arrangements et les textes des compositions ont le mérite du travail personnel et, qui plus est, de qualité. On note une recherche dans le jeu de scène qui crée une dynamique, le tout bien ancré sur une rythmique où percussions diverses (lessiveuse, tôle ondulée, washboard) et batterie sont omniprésentes avec Anthony Negrello, impeccable derrière ses fûts, idéalement soutenu par la basse de Johann Cortinovis.

La tonalité blues est apportée par l’harmonica souvent saturé de Damien Félix, également guitariste et percussionniste occasionnel (sur lessiveuse), et surtout par la voix d’Amandine Guinchard. Une voix aux intonations très intéressantes et bien adaptée au style blues-rock proposé lors de ce set. Une chanteuse à suivre de près et qui devrait s’imposer dans les prochaines années tant sa marge de progression semble importante. Son style “petite poupée rock” focalise l’attention et son aisance sur scène contribue à renforcer l’homogénéité de l’ensemble. Julien Bonnel, lead guitar (mais aussi mandoline), était pour sa part desservi par un volume sonore bien inférieur à celui de ses amis musiciens, résultat peut-être de balances précipitées et qui ne fut malheureusement pas corrigé en cours de set. Ses interventions, souvent étouffées, manquaient d’envergure et de brio, là où on aurait apprécié un bon solo incisif et rageur avec du gros son. Néanmoins, la bonne surprise que nous offrit cette jeune formation sembla ravir l’assistance. A suivre donc dans les mois à venir…


Amandine Guinchard © Jean-Philippe Porcherot


Damien Félix © Jean-Philippe Porcherot

Dans un tout autre registre, Veronica Sbergia & The Red Wine Serenaders prirent le relais avec quelques appréhensions suite à l’ovation faite au groupe précédent. Signalant d’emblée que leur blues n’était pas électrique, c’est d’abord avec humour puis par le talent que Veronica Sbergia sut retourner la situation en sa faveur. Rendons tout de même hommage au public du Salaise Blues Festival qui, dans son ensemble, montre depuis plus de 20 ans une grande curiosité et une ouverture d’esprit en matière de musique bleue.

Avec beaucoup de grâce, toujours souriante, Veronica Sbergia, pétillante de malice, déclina en compagnie des Red Wine Serenaders un blues old time très tonique, succession de titres relativement courts parmi lesquels on pouvait reconnaître des créations des Mississippi Sheiks, de Casey Bill Weldon ou de Leadbelly. Bien que la séduisante Italienne joue du yukulélé, du kazoo ou de la washboard, c’est cependant essentiellement sa voix qui retient l’attention et charme son auditoire. Loin de vouloir se mettre seule en valeur, en artiste très altruiste, elle offre à Max DeBernardi (guitare, yukulélé, mandoline), à Alessandra Cecala (contrebasse) et à Mauro Ferrarese (guitare résophonique, banjo) l’opportunité de démontrer toutes leurs qualités artistiques, tant instrumentales que vocales. Un set fort agréable au sein duquel se mêlent technique et émotion.

Beaucoup de talents réunis au sein de cette formation sympathique qui n’hésite pas à incorporer le chant révolutionnaire italien Bella ciao au milieu du traditionnel When I was a cowboy de Leadbelly. Le nouvel album qui devrait voir le jour en Mai 2011 est attendu avec impatience. A noter que l’harmoniciste Alain Michel, manager du groupe en France, rejoignit les musiciens sur scène pour le final.

 
Veronica Sbergia © Jean-Philippe Porcherot


Alessandra Cecala © Jean-Philippe Porcherot


Max DeBernardi © Jean-Philippe Porcherot


Mauro Ferrarese © Jean-Philippe Porcherot


© Jean-Philippe Porcherot
 

Elue à maintes reprises “Meilleure vocaliste d’Outre-Manche” dans la catégorie blues, Connie Lush, dont la carte de visite déjà fournie comporte entre autres la première partie d’une tournée avec B.B. King, semble actuellement l’artiste féminine blues la plus populaire du Royaume-Uni. Les spectateurs du Salaise Blues Festival s’enflammèrent rapidement sur le rythme infernal imposé par le Blues Shouter, groupe au sein duquel le batteur Michael Wiezman remplace désormais Carl Woodward aux côtés de Terry Harris, mari de Connie et dont c’était l’anniversaire ce soir-là. Fort attendue par ses fans, la dynamique Anglaise de Liverpool impressionna par son professionnalisme et le charisme qu’elle dégage face à son  public. Nous notons au passage quelques titres comme Love me like a man ou Everyday I have the blues côtoyant des reprises de Ray Charles (dont Hit the road Jack dans un medley en fin de concert) ou d’Elmore James. Le show est bien rôdé avec un John Lewis à la guitare toujours brillant et inspiré. Excellent solo de batterie de Michael Wiezman sur lequel Connie Lush enchaîne avec un gospel d’une grande intensité, n’ayant que la batterie pour seul accompagnement. Certainement l’un des temps forts de ce set. Deux titres en rappel dont un boogie bien balancé avant que la soirée ne s’achève.


Connie Lush © Jean-Philippe Porcherot
 


John Lewis © Jean-Philippe Porcherot
 


Terry Harris © Jean-Philippe Porcherot


Michael Wiezman © Jean-Philippe Porcherot
 

Un bilan final très positif pour l’ensemble des trois prestations ce qui n’est pas si fréquent par les temps qui courent. Que les organisateurs en soient ici remerciés. Des soirées comme celles-ci, on en redemande !
Jean-Philippe Porcherot

 

Loïc Hula Boy ouvre la soirée du samedi avec son blues d'inspiration très traditionnelle. On découvre un chanteur honnête mais surtout un guitariste très doué, d'une grande aisance à la slide au dobro (Soirée blues, J'vais pas bien) comme dans le style classique (Phosphore blues, sur lequel son jeu s'inspire de Mississippi John Hurt). Côté textes, c'est un peu plus inégal : si des titres comme Décalage horaire ou Phosphore blues dénotent un bon sens de l'humour, c'est un peu moins fin quand il évoque la gent féminine (Top model, malgré son tempo enlevé à la Bo Diddley). Bien sûr, Loïc parle beaucoup et passe sans doute trop de temps à changer de guitare, mais on passe un moment agréable avec un instrumentiste au-dessus de la moyenne.

 
Loïc Hula Boy © Jean-Philippe Porcherot

Changement de dimension toutefois avec l’arrivée sur scène Bo Weavil. On n’est d’abord impressionné par le gros son du groupe, qui balaie tout sur son passage. Bien sûr, ce son repose d’abord sur Boogie Matt, dont guitare et harmonica rugissent comme jamais (sans oublier la voix, une des meilleures pour un chanteur dont l’anglais n’est pas la langue maternelle), mais les sections rythmiques les plus efficaces sont souvent celles que l’on remarque le moins. Et dans le genre, Miguel Hamoum à la basse et Franck Thomelet à la batterie sont impeccables. Les titres s’enchaînent avec une énergie folle comme dans un rêve, sans laisser une seconde de répit, qu’il s’agisse de reprises (How many more years, Catfish blues) ou bien de compositions essentiellement tirées de l’album “Split-Up Blues” (A mighty long time, Home sweet home, Keep on puffin’, Can't find no way). Un concert remarquable.

 
Boogie Matt © Brigitte Charvolin


Miguel Hamoum © Jean-Philippe Porcherot


Franck Thomelet © Jean-Philippe Porcherot

Au tour d’Eddie C. Campbell avec la formation qui l’accompagne en France depuis désormais près d’un an et demi, emmenée par le guitariste Jean-Pierre Duarte. En décembre 2010 à Bourgoin-Jallieu (38), Campbell et consorts avaient délivré un concert de toute beauté, un des plus aboutis qu’il nous ait été donné de voir. Eh bien il a remis ça ! Et une fois de plus, on se délecte de ses classiques (Busted, King of the jungle, Last affair, That’s when know) et de son invention sur des reprises qu’il fait sonner comme personne (All your love, The blues is alright, Sex machine, Summertime). Blues de Chicago, funk, soul et même surf music, Eddie domine ses sujets avec un détachement rare. Et quitte à se répéter, c’est un artiste à voir au moins une fois dans sa vie, d’abord pour son jeu de guitare original et unique. Et ces termes ne sont pas galvaudés : il est le seul à jouer comme ça, à faire claquer ces notes qui le rendent immédiatement identifiable, à ne jamais jouer deux chorus identiques, à chercher en permanence des trouvailles à la rythmique… On vous aura prévenus (Eddie revient en France cet été). En tout cas, merci Salaise pour cette soirée exemplaire de variété et d’équilibre.
Daniel Léon


Jean-Pierre Duarte et Eddie C. Campbell © Brigitte Charvolin


© Brigitte Charvolin


© Brigitte Charvolin


© Brigitte Charvolin