Jazz Celebration 2024, Théâtre du Châtelet, Paris
09.10.2024
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17 octobre 2019.
Vétéran depuis le début des années 2000 de la scène jazz de Los Angeles, entendu entre autres chez Quincy Jones, Diana Krall ou Anthony Hamilton, le tromboniste Ryan Porter s’est fait remarquer, comme ses petits camarades du West Coast Get Down, grâce au succès des albums récents de Kamasi Washington, sur lesquels il était très présent. Pour sa première tournée sous son nom, après trois disques personnels parus ces dernières années, il bénéficie du soutien de ses camarades et c’est avec le noyau dur du West Coast Get Down qu’il se présente sur la scène du New Morning : Kamasi Washington au saxophone ténor, Jumaane Smith à la trompette, Brandon Coleman aux claviers, Miles Mosley à la contrebasse et Tony Austin à la batterie.
Porter ne cache pas son émotion en montant sur la scène du club : il dédie le premier morceau à la mémoire de Roy Hargrove, qu’il était venu voir en concert ici, et de la fondatrice Eglal Farhi, et leur rend hommage avec une version explosive du standard d’Hargrove inspiré par le lieux, Strasbourg Saint Denis. Dès les premières notes, le ton de la soirée est donné : ça joue ! Les musiciens sont habitués à jouer ensemble – à part le trompettiste, tous apparaissent sur le premier album studio de Kamasi Washington, paru il y a douze ans, bien avant la gloire – et la complicité naturelle se mêle à une émulation de bon aloi, chacun cherchant à pousser ses partenaires en toute amicale rivalité. Si Ryan Porter, leader officiel de la soirée, tire correctement son épingle du jeu, ce sont Washington et Coleman qui sont les plus impressionnants. Libéré des contraintes de son propre répertoire, Washington se fait plaisir à coups de longs solos incendiaires, tandis que Coleman, qui semble apprécier particulièrement le piano du New Morning, renonce à peu près au synthé qui lui est également proposé. La virtuosité ne se fait cependant pas au prix de la complicité, et quand Washington cite dans son solo une phrase empruntée à Curtis Mayfield, celle-ci se retrouve immédiatement après dans l’intervention de Coleman. À la rythmique, Mosley et Austin font le job, créant le terrain parfait pour les improvisations des solistes. Seul le trompettiste est un peu en retrait.
Après la reprise de Roy Hargrove en ouverture, le répertoire se concentre sur celui des disques personnels de Porter, passant d’un hommage à Nelson Mandela sous influence Coltrane, Madiba, à une berceuse dédiée à son bébé, Anaya, tandis que Porter ironise sur la « jazz police » qui cherche à définir ce qui est vraiment du jazz. Il salue également la mémoire de son professeur de trombone George Bohannon – un vétéran de la scène jazz de Détroit, entendu sur d’innombrables séances chez Motown et à peu près partout ailleurs –, par un titre en son honneur, The psalmist. Des problèmes techniques – Miles Mosley a abîmé sa contrebasse pendant le premier set, et, faute de pouvoir la réparer, est obligé de jouer sur une basse électrique pour la suite – imposent un entracte un peu long, mais l’enthousiasme du public n’est pas diminué avant le second set qui se conclut sur un thème festif, Carriacou. Avec cette tournée de luxe, Ryan Porter lance en beauté sa carrière solo, qu’il lui reste maintenant à confirmer sans l’appui de ses camarades…
Texte : Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot