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Brèves / 17.06.2014

Ruby Dee au pays des anges

C’est avec une infinie tristesse que nous relatons ici la disparition le 11 juin 2014 de Ruby Dee, à l’âge de 91 ans. Actrice, poète, scénariste, écrivain et activiste, Dee était la mère du bluesman Guy Davis (en photo ci-dessus), vers lequel vont aujourd’hui nos pensées. Née Ruby Ann Wallace le 27 octobre 1922, elle grandit à New York où elle épouse en 1941 Frankie Dee Brown, dont elle divorcera en 1945 tout en conservant Dee comme nom de scène. La même année, elle est diplômée en langues romanes et se consacre rapidement au théâtre et au cinéma, apparaissant dans son premier film en 1946 (The Man of Mine). À ses débuts, en pleine ségrégation, elle joue dans des films interprétés par des Noirs exclusivement projetés dans des salles destinées aux Afro-Américains. Elle côtoie ainsi d’autres futurs comédiens et artistes célèbres dont Harry Belafonte, Sidney Poitier et Ossie Davis, qui devient son mari en 1948 et le demeurera jusqu’à son décès en 2005. En 1950, elle obtient une première reconnaissance notable avec The Jackie Robinson Story, dans lequel elle joue de la femme de Robinson, le premier Afro-Américain admis en ligue majeure de base-ball (popularisé deux ans plus tôt en chanson par Brownie McGhee dans Robbie-Doby boogie).


© : John D. Kisch/Getty

On la retrouve ensuite à plusieurs reprises aux côtés de Sidney Poitier avec Go Man Go (1954), Edge of the City (1957) et surtout A Raisin in the Sun (1961). Ce dernier est acclamé par la critique : National Board of Review Award pour Ruby Dee, prix Gary Cooper au festival de Cannes pour le réalisateur Daniel Petrie, sans compter les nominations… En 2005, il a été intégré au National Film Registry de la Bibliothèque du Congrés pour son importance culturelle, artistique et historique. Il raconte l’histoire d’une famille noire du South Side de Chicago qui aspire à de meilleures conditions de vie, et qui n’est sans doute pas étranger à l’engagement politique de Ruby Dee dans les années 1960. Entre-temps, elle figure également au casting en 1958 de St. Louis Blues, un long métrage musical (avec notamment Pearl Bailey, Cab Calloway, Ella Fitzgerald, Eartha Kitt et Mahalia Jackson) dans lequel elle tient le rôle de la fiancée de W. C. Handy, interprété par Nat « King » Cole…


En 1962. © : Carl Van Vechten Collection/Library of Congress

Actrice désormais très connue et respectée, elle s’oriente également vers la télévision tout en prenant part à des films à connotation de plus en plus politique comme Gone Are the Days! (1963), The Incident (1967), une adaptation de la pièce de son mari Purlie Victorius, ou le fameux Uptight de Jules Dassin (1968) et sa bande originale signée Booker T. & the MG's. Elle est proche de Malcolm X et de Martin Luther King, et cette même décennie la voit de plus en plus active au sein du mouvement pour les droits civiques avec son époux, dans le cadre d’associations comme le CORE (Congress of Racial Equality) et la NAACP (National Association for the Advancement of Coloured People), ou en réunissant des fonds pour les Blacks Panthers et en se positionnant contre la guerre au Vietnam. Un combat qu’elle mènera tout au long de sa brillante carrière, et un parfum que l’on retrouve dans les films de Spike Lee auxquels elle participe, Do the Right Thing (1989) et Jungle Fever (1991). Elle obtient son dernier beau succès cinématographique (Screen Actor Guild Award, nomination pour l’Academy Award du meilleur second rôle) en 2007 avec American Gangster de Ridley Scott, dans lequel elle partage la vedette avec Denzel Washington et autre Russell Crowe…
Daniel Léon