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Hommages / 03.11.2018

Roy Hargrove (1969-2018)

Figure majeure de la scène jazz depuis le début des années 1990, Roy Hargrove s’était imposé, en trente ans de carrière, comme un des grands passeurs du genre, entre les générations comme entre les esthétiques. Diminué par la maladie depuis plusieurs années, le trompettiste n’en restait pas moins un habitué des scènes françaises et s’était encore produit, le mois dernier, dans plusieurs festivals et au New Morning. 

 


New Morning, 12 octobre 2016 © Frédéric Ragot

 

Né à Waco, au cœur du Texas, il est encore lycéen quand il se fait remarquer pour ses prouesses instrumentales – c’est d’ailleurs dans le cadre du groupe du lycée qu’il fait ses débuts discographiques, au milieu des années 1980. Après quelques mois passés, sans grande réussite, à Berklee, il s’installe à New York où il se fait remarquer au cours de nombreuses jam sessions, avant d’enregistrer avec le saxophoniste Bobby Watson. À peine âgé de 21 ans, il publie un premier album personnel, “Diamond In The Rough” et semble destiné à suivre les traces d’un Wynton Marsalis, alternant disques sous son nom et collaborations de prestige – Sonny Rollins, Helen Merrill, Dave Brubeck, Abbey Lincoln et Oscar Peterson, entre autres, font appel à sa trompette dans la première moitié des années 1990, et le Lincoln Center Jazz Orchestra de Wynton Marsalis lui commande une suite dès 1993. Mais le rôle de “young lion” officiel et l’orthodoxie hard bop ne suffisent pas à satisfaire les envies de “great black music” d’Hargrove qui regarde aussi bien du côté du mouvement M-Base (Steve Coleman) que de celui de la soul et du funk (il est ainsi de l’aventure pionnière Buckshot LeFonque, avec Branford Marsalis). C’est cependant du côté des musiques latines qu’il décroche un premier Grammy en 1998, avec l’éphémère groupe Crisol. 

 


Vienne, 2000 © Brigitte Charvolin

 


Vienne, 2000 © Brigitte Charvolin

 


Cognac, 2005 © Brigitte Charvolin

 

Tout en continuant à s’exprimer dans un registre jazz classique (le très beau “Roy Hargrove With Strings: Moment To Moment”), le début des années 2000 le voit se tourner plus évidemment vers la soul. Il participe à deux des disques majeurs de cette neo soul qui s’invente – “Mama’s Gun” d’Erykah Badu et “Voodoo” de D’Angelo – avant de lancer son propre projet dans ce registre, en forme de “all stars” avec le RH Factor, qui publie deux albums remarqués en 2003 et 2006. Cela ne l’empêche pas de décrocher en 2002 un second Grammy, pour un album hommage à Miles Davis et John Coltrane gravé avec Herbie Hancock et Michael Brecker, “Directions in Music: Live at Massey Hall”. 

 



New Morning, 12 octobre 2016 © Frédéric Ragot

 

Ces années constituent hélas le sommet de la carrière de Hargrove, de plus en plus perturbée par d’évidents problèmes d’addiction, puis par les conséquences de ceux-ci sur sa santé. Malgré des tournées quasi ininterrompues, il n’avait plus enregistré sous son nom depuis près de dix ans, et ses prestations scéniques récentes montraient un musicien bien loin des talents déployés au milieu des années 2000, ce qui ne l’empêchait pas de conserver un public fidèle, qui ne ratait pas une de ses visites régulières – il s’est produit une trentaine de fois au New Morning depuis 2006, au point de consacrer au quartier qui entoure le club une de ses compositions les plus connues, Strasbourg Saint Denis

Frédéric Adrian
Photos : New Morning, 12 octobre 2016 © Frédéric Ragot

 


New Morning, 12 octobre 2016 © Frédéric Ragot