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Live reports / 24.05.2018

Robin McKelle + Three Gamberros

Comme l'annonça Michel Rémond, le dernier concert blues de la saison 2017-18 dérogeait à l'“orthodoxie” en réunissant deux formations ne se réclamant pas exclusivement des classiques douze mesures. Personne ne sembla lui en tenir rigueur au terme d'une soirée fastueuse !

En ouverture, les Three Gamberros n'avaient rien d'un groupe inconnu avec Loretta et deux de ses Bad Kings, Mig Toquereau et Anthony Stelmaszack. Sauf que tout a changé : Loretta cède le micro à Mig qui, en échange, lui lègue la contrebasse, tandis qu'il empoigne une guitare acoustique ou un ukulélé, c'est selon. Il n'y a qu'Anthony qui s'est accroché à sa guitare électrique. Quant au batteur, il a disparu.

 

 

 

 

 

Côté répertoire, fini le R&B, adieu le blues (ou alors juste en rappel, pour mémoire) et place à la country, au bluegrass, au hillbilly, et même au tex-mex. Americana à fond ! La voix de Mig charrie des cailloux, des gros, et habite ce répertoire en grande partie original, en provenance des deux CD déjà produits. J'aime bien quand la voix de Loretta vient en contrepoint adoucir les aspérités. Elle s'octroie aussi quelques jolis titres en solo, dont une reprise de Patsy Cline. La guitare d'Anthony est omniprésente, elle structure, ponctue, illumine tous les morceaux. Anthony chante aussi à l'occasion, notamment une bonne version du Folsom prison de Johnny Cash.

 

 

 

 

 

Robin McKelle entame une tournée pour défendre l'album “Melodic Canvas” qui marque son retour au jazz, après des expériences plus marquées par la soul ou la pop. Ses nouveaux musiciens, américains pour la plupart, ont parfaitement assimilé l'esprit du disque ainsi que l'univers de la chanteuse. Elle s'investit avec élégance et naturel, distille des nuances mais sait aussi faire progressivement monter la pression. Des titres commencés sur le ton de la confidence semblent fermenter doucement avant de se terminer dans un jaillissement éruptif ! Ainsi de I just want to make love to you (avec un solo d'orgue furieux de Mike King) ou Yes we can can. La compo d'Allen Toussaint fait oublier les versions de Lee Dorsey ou des Pointer Sisters et se prolonge en un ad-lib fiévreux attisé par Robin et le sax soprano de Matt Marantz.

 

 

 

 

 

 

Avant cela, on avait pu apprécier les belles compos du CD : Come to me, Simple man, You're no good ou, ma préférée, Do you believe à la mélodie entêtante. La rythmique constituée du très inventif Kush Abadey aux drums et Cédric Raymond à la contrebasse pousse ou enrichit sans cesse le répertoire. Robin McKelle se révèle aussi excellente pianiste et reprend en français Il est mort le soleil, immortalisé par Nicoletta et Ray Charles. Elle trébuche sur l'introduction – et avoue avec simplicité : « C'est la deuxième fois que je fais la chanson au piano. » – mais se reprend de belle manière et enchaîne avec I'd rather go blind, qu'elle introduit au piano de façon très churchy, à la manière d'Aretha Franklin.

 

 

 

 

 

 

La salle lui réserve une standing ovation au terme de Swing low sweet chariot et réclame un rappel. Accordé avec le Don't mess with my man d'Irma Thomas, qui permet à Robin McKelle de s'imposer encore dans cette veine jazz-soul qui lui va si bien. 

Texte : Jacques Périn
Photos © J-M Rock'n Blues
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