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Brèves / 21.05.2020

Robert Johnson sous un autre angle

En 2020, quatre-vingt-deux ans après sa disparition, Robert Johnson continue d’alimenter notre actualité. Ce seul phénomène mériterait une étude poussée, mais ce n’est pas un scoop. Quatre-vingt-deux ans après sa disparition, Robert Johnson fait l’objet de deux livres qui revisitent son parcours. Son parcours et non son mythe, qui a fini par s’effacer face aux études “cliniques” menées par des spécialistes, mais aussi face à certains faits indiscutables rendus accessibles grâce aux technologies dites “modernes”.

Le premier de ces deux livres nous est déjà presque familier. On le doit à Bruce Conforth et Gayle Dean Wardlow. Il s’intitule Up Jumped the Devil – The Real Life of Robert Johnson (Chicago Review Press), nous l’avions chroniqué dans notre numéro 236, et une version française est même annoncée pour octobre prochain chez Le Castor Astral.

Le deuxième ouvrage paraîtra le 9 juin prochain. Il repose sur le témoignage d’Annye C. Anderson, demi-sœur de Robert Johnson, âgée de douze ans quand le bluesman est mort en 1938. Toujours de ce monde (elle a 94 ans), elle s’est confiée à Preston Lauterbach (voir notre interview avec ce dernier dans Soul Bag 233). Ensemble, ils ont donc décidé de publier ce témoignage dans un livre, Brother Robert: Growing Up with Robert Johnson (Hachette Books).

Jusque-là, rien d’extraordinaire… Sauf que le magazine Vanity Fair a surpris tout le monde en publiant ce 20 mai 2020 un article contenant une photo soi-disant inédite de Robert Johnson. Selon Annye C. Anderson, cette photo serait un autoportrait réalisé par Johnson lui-même dans une cabine photographique sur Beale Street à Memphis ! Il importe ici de rappeler que Conforth et Wardlow s’attardent justement dans leur propre livre sur la période jusque-là peu abordée durant laquelle Johnson vécut à Memphis, ce qui donne un premier crédit au témoignage d’Anderson…

Précisons également que Preston Lauterbach, historien, notamment spécialiste de Memphis et des droits civiques, n’est pas le premier venu. Ses ouvrages The Chitlin’ Circuit and the Road to Rock ‘n’ Roll (Norton, 2011), Beale Streat Dynasty: Sex, Song, and the Struggle for the Soul of Memphis (Norton, 2015) et Bluff City: The Secret Life of Ernest Withers (Norton, 2019) font autorité.

En outre, Elijah Wald, préfacier du livre d’Anderson et Lauterbach, estime que cette nouvelle photo de Robert Johnson est authentique. Musicien, historien, musicologue et auteur d’une douzaine de livres, dont certains sur Robert Johnson et son mythe, il n’est pas non plus à proprement parler un “plaisantin”…

Alors bien sûr, pour être complets et honnêtes, on n’omettra pas de mentionner que Vanity Fair prétendit déjà en 2008 avoir retrouvé une photo de Robert Johnson adolescent en compagnie de Johnny Shines. Une image qui ne sera jamais authentifiée, et on admet désormais qu’il ne s’agissait pas du célèbre bluesman. Certes, nous pouvons nous tromper, mais dans le cas présent, quelques signes et le sérieux des protagonistes concernés nous incitent à y croire… La communication relative à cet événement ne fait que débuter, et nul doute que nous en saurons plus très vite. Sacré Robert Johnson quand même ! Si chacun convient désormais qu’il n’a jamais rencontré le diable, force est de reconnaître que quatre-vingt-deux ans après sa disparition, il continue d’influencer notre manière de communiquer… Selon des techniques plus obscures que modernes !

Texte : Daniel Léon
Photo © DR / Hachette Books

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