Frankie Beverly (1946-2024)
11.09.2024
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Il faut dire que Boyce, bien qu’il ne fut pas septuagénaire, baignait dans la musique depuis sa naissance et en était un acteur direct depuis plus de cinquante ans. Né le 15 août 1955 à Como, dans le Mississippi, il y a vécu toute sa vie. Neveu d’Othar Turner, le leader du Rising Stars Fife and Drum Band, il est exposé dès sa petite enfance au son de la flûte et du tambour, mais aussi au blues plus classique de Mississippi Fred McDowell, dont la carrière commerciale débute alors qu’il est enfant.
À peine adolescent, Boyce intègre en tant que percussionniste l’orchestre de son oncle, dans lequel joue également Napoleon Strickland, et se produit au cours d’évènements locaux tels que les fameux pique-niques organisés par son oncle. C’est là qu’il est immortalisé une première fois, à l’âge de 15 ans, dans un documentaire consacré à Othar Turner réalisé par David Evans, Bill Ferris et Judy Speiser et qui documente un pique-nique du 4 juillet 1970, Gravel Springs Fife and Drum (visible en ligne à cette adresse : folkstreams.net/films/gravel-springs). C’est dans ce type de productions à caractère musicologique, souvent pilotées par David Evans, que RL Boyce fait ses premières apparitions discographiques tout au long des années 1970 et au début des années 1980 : l’anthologie “Traveling Through The Jungle: Negro Fife And Drum Band Music From The Deep South” publiée par Testament, “Afro-American Folk Music From Tate And Panola Counties, Mississippi” de la Library of Congress et plusieurs compilations de la série “Living Country Blues USA” des Allemands Siegfried A. Christmann et Axel Küstner.
S’il continue jusqu’au début des années 2000 à se produire régulièrement avec le groupe de son oncle – il apparaît d’ailleurs sur les différents disques publiés sous le nom d’Othar Turner à cette époque ainsi que sur le premier album de sa petite fille Sharde Thomas –, il prend en parallèle son autonomie, se lançant dans l’apprentissage de la guitare. Il fait quelques apparitions ponctuelles sur les disques des autres – à la batterie sur quelques titres de l’album “Feelin’ Good” de Jessie Mae Hemphill, avec le Rising Star Fife and Drum Band dirigé par Sharde Thomas sur “Mississippi To Mali” de Corey Harris, sur le premier album de Twenty Miles emmené par Judah Bauer (le guitariste de la Jon Spencer Blues Explosion), en tant que chanteur et guitariste sur un album live des North Mississippi Allstars… –, mais la musique reste encore pour lui une activité annexe, même s’il apparaît dans plusieurs documentaires bénéficiant d’une certaine visibilité comme dans la série de films Martin Scorsese Presents The Blues: A Musical Journey et M for Mississippi de Jeff Konkel (de Broke & Hungry) et Roger Stolle (de Cat Head). Deux titres sous son nom, en duo avec Lightnin’ Malcolm, apparaissent d’ailleurs sur les deux volumes de bande originale de ce dernier film.
C’est sous l’égide de Luther Dickinson, qui le considère comme son mentor et qui a repris plusieurs de ses compositions avec les North Mississippi Allstars, que paraît en 2013, son premier disque personnel, “Ain’t The Man’s Alright”. Enregistré en 2007, le disque – pas très réussi, en réalité – s’inscrit dans l’ombre de R.L. Burnside, avec la présence à la batterie de Calvin Jackson et Cedric Burnside et deux de ses classiques au programme. D’autres titres probablement tirés des mêmes séances sortent en 2017 sous le titre “Roll And Tumble”, qui lui vaut une nomination aux Grammy Awards dans la catégorie du meilleur album de blues traditionnel. Plusieux albums se succèdent ensuite, “Live From The Circle Bar”, “Juke My Joint”, “Boogie w/ RL Boyce Live”, “Rattlesnake Boogie” et “Ain’t Gonna Play Too Long”. Publiés sur des petits labels indépendants, ces disques souffrent cependant de conditions d’enregistrement médiocres et surtout d’une distribution à peine existante qui l’empêchent d’accéder largement au public blues.
La présence d’un de ses titres en ouverture de l’anthologie “Tell Everybody! – 21st Century Juke Joint Blues From Easy Eye Sound” produite par Dan Auerbach pouvait être vue comme l’annonce d’une nouvelle étape, d’autant qu’il avait été retenu en 2023 pour un National Heritage Fellowship, une reconnaissance officielle majeure dans le domaine des musiques raciniennes. S’il se produit essentiellement localement, en particulier avec les Cornlickers de Carlos Elliot Jr. et Bobby Gentilo, ainsi que dans quelques festivals américains, RL Boyce s’offre en 2018 une apparition remarquée au Blues Rules de Crissier, occasion pour Soul Bag de l’interviewer dans notre numéro 232. Il devait tourner en France en ce mois de novembre 2023 aux côtés de ses collègues Carlos Elliot Jr et Anthony “Big A” Sherrod avec les Cornlickers, mais la maladie en a décidé autrement.
Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © Brigitte Charvolin