Jubu Smith, Jubu
04.10.2024
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Mavis ne le surnomme pas “Pops Jr.” pour rien. Depuis 17 ans qu’il officie derrière elle, à la six-cordes et en tant que band leader, Rick Holmstrom a développé plus d’un point commun avec le patriarche de la famille Staples. Sonorité crépitante noyée de trémolos et hérissée de saturation grondante, gestion pointilliste de l’espace et des silences, entrelacs de rythmiques menaçantes percées de giclées lead bien nerveuses : le Californien sait comment mettre sa technique hors pair au service d’une musicalité jamais prise en défaut. Les qualités idéales pour servir son nouveau projet en trio, composé au printemps dernier à la suite d’une dépression carabinée liée au Covid et à l’annulation d’une tournée d’un an dans le monde entier…
Pour les musiciens, qui se nourrissent, au propre comme au figuré, de concerts, d’échanges et de liberté, la crise actuelle s’apparente de plus en plus à une épreuve carcérale, conséquences psychiques comprises… Pour cesser de couler, Holmstrom a eu le réflexe d’attraper le manche de sa vieille Telecaster Butterscotch, fidèle alliée dont il a extrait ces 12 brûlots enregistrés live en compagnie de ses compagnons de route et d’infortune, Gregory Boaz (basse) et Steve Mugalian (batterie). Les textes saisissent par leur crudité : I’m an asshole, Don’t wake me, Losing my shit ou Lonesome sound (« I lost it all and I try to find my way back home », chante-t-il d’un ton désabusé) ne cachent rien de la frustration du musicien, sans pour autant se vautrer dans le misérabilisme. Holmstrom laisse éclater sa rage sans filtre et en appelle aux vertus cathartiques du blues et du rock ’n’ roll.
Un disque sombre, violent, à l’os, illuminé de quelques lueurs d’autodérision, d’espoir et d’amour, comme le shuffle Got to go ou la jazzy Joyful eye, inspirée par ses filles, à qui il doit d’avoir réussi à remonter la pente.
Ulrick Parfum
Note : ★★★★
Label : LuEllie
Sortie : 26 février 2021