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Brèves / 03.01.2018

Rick Hall (1932-2018)

Producteur, auteur-compositeur, éditeur, patron de label et de studio : sans jamais avoir publié un disque sous son nom, Rick Hall fait partie des principaux architectes de la soul sudiste, et son influence a largement dépassé son style de prédilection pour toucher la pop, la country, le gospel et le rock.

Né en 1932 dans le Mississippi, élevé en Alabama, c’est pendant quelques années passées à Rockford dans l’Illinois que Roe Erister – dit Rick – Hall commence à se produire au sein de différents groupes locaux. De retour en Alabama, son intérêt pour la musique se prolonge, d’abord en jouant dans différents ensembles – notamment les Fairlanes, dont le chanteur est Dan Penn – mais aussi et surtout à travers l’écriture. Dès la fin des années 1950, plusieurs de ses chansons sont enregistrées par différentes vedettes pop et country comme Roy Orbison et George Jones. Avec Tom Stafford, déjà propriétaire d’un studio, et le saxophoniste (et futur producteur de country à succès) Billy Sherrill, il fonde en 1959 une maison d’édition, que les trois hommes baptisent Florence Alabama Music Enterprises, abrégé en FAME. Le partenariat est cependant de courte durée et Hall récupère le nom pour baptiser le studio qu’il fonde et qu’il installe sur Wilson Dam Road à Muscle Shoals. Quelques mois lui suffisent pour décrocher un premier tube avec You better move on d’Arthur Alexander, publié fin 1961 sur Dot. Ce succès est le début d’une belle série qui se poursuit avec d’autres artistes tels que les Tams, Joe Simon et Jimmy Hugues. Les disques de ce dernier, et en particulier le classique Steal away, paraissent d’ailleurs sur Fame, le label monté par Hall en parallèle au studio.

 

 

 

Même le départ en masse de son orchestre maison, pour des questions de sous, en 1964, n’entame pas la réussite de Hall et de Fame. Avec un nouveau groupe, surnommé les Swampers (Spooner Oldham, Jimmy Johnson, David Hood, Roger Hawkins, Duane Allman…), Muscle Shoals attire vite l’attention des maisons de disques du Nord qui prennent l’habitude d’adresser à Hall et à son studio leurs artistes soul et R&B. Chess, avec Bobby Moore & The Rhythm Aces, puis Etta James, Laura Lee et Irma Thomas, ouvre la voie, et Atlantic suit le mouvement, malgré les déconvenues rencontrées lors de séances avortées avec Aretha Franklin. Hall n’est pas toujours le producteur en titre, mais c’est dans son studio que s’enregistrent des faces majeures de Wilson Pickett, Arthur Conley et Clarence Carter (qui a fait ses débuts solo sur Fame avant de rejoindre Atlantic) ainsi qu’une multitude de classiques de la soul sudiste, de James & Bobby Purify à Kip Anderson. La signature d’un accord de distribution avec Capitol permet au label Fame d’obtenir de nombreux succès “fait maison” avec Candi Staton, Bettye Swan, Willie Hightower et Spencer Wiggins.

 

 


Junior Lowe, Jimmy Johnson, Otis Redding, Rick Hall, Fame Studios, 1966. © Fame Records

 

Très sollicité, Hall s’oriente à partir des années 1970 vers la pop, décrochant des succès avec les Osmonds et Paul Anka, puis vers la country. Moins actif l’âge venu, il avait quand même produit quelques titres pour l’album “Life Happens” de son ancienne protégée Candi Staton, paru en 2014, et restait une présence régulière dans les studios qu’il avait fondés. Après quelques compilations parues au début des années 2000 sur Honest Jon’s, Ace s’est lancé dans une politique exhaustive de rééditions concernant aussi bien les parutions du label Fame que les productions réalisées au studio, déterrant de nombreux inédits souvent passionnants. Un triple CD “The Fame Studios Story 1961-1973” constitue un parfait résumé des plus grandes années de cette aventure majeure de l’histoire de la soul. Étonnamment peu récompensé par l’industrie musicale – une seule nomination aux Grammys, et un Grammy d’honneur tardif –, l’histoire de Hall avait fait l’objet d’un documentaire en 2013, Muscle Shoals, ainsi que d’un livre de mémoires, The Man from Muscle Shoals: My Journey from Shame to Fame, paru en 2015.
Frédéric Adrian

 

 

 


© Hollis Bennett